• CSG : Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont-ils raison de faire payer les retraités ?

    Article de Jacques Bichot publié sur Atlantico le 23 août 2017.
     
    Dans une interview accordée à Sud-Ouest, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a reconnu "demander un effort" aux retraités.

     
    Atlantico : Conformément aux promesses formulées par Emmanuel Macron, le Ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a confirmé la hausse de la CSG en 2018 pour plus de 9 millions de retraités. Comment interpréter un tel mouvement ? La formule utilisée par Bruno Le Maire est-elle légitime, lorsqu'il demande aux retraités de "faire un effort" ? Les retraités font ils moins d'efforts que les autres catégories de la population ?
     
    Jacques Bichot : Cette mesure s’inscrit dans le droit fil de ce que Madelin appelait « la Droiche » et JM Le Pen « l’UMPS » : augmenter la fiscalité en prétendant faite payer « les riches », parce que les présidents de la République et leurs ministres sont incapables de concevoir puis d’engager un  programme sérieux d’augmentation de l’efficacité des administrations publiques. La plupart des actions engagées sont des bricolages qui ajoutent une couche de complication à un édifice législatif et réglementaire qui fait crouler sous son poids aussi bien la fonction publique, dont les membres perdent leur temps à mettre en œuvre des mesures conçues dans le désordre, que les citoyens et les organisations qui les rassemblent, particulièrement les entreprises et les associations.

    La CSG aurait pu être un impôt simple, compréhensible, peu onéreux à prélever : le mauvais génie des politiciens français, et de leurs collaborateurs les hauts fonctionnaires, a déjà réussi à en faire un triste exemple de la complication à la française, avec une quantité de taux différents – y compris pour les retraités. Ceux-ci ont déjà trois taux (6,6 %, sans compter 0,5 % de CRDS, pour les plus aisés ; 3,8 % pour une catégorie intermédiaire ; et 0 % pour les petits revenus. L’idée initiale était un impôt à taux unique ; de changement en changement (j’évite de parler de « réformes » pour ce qui constitue plutôt des tripatouillages politiciens) la CSG finira par devenir aussi compliquée que l’impôt sur le revenu !

    Au lieu de simplifier, le changement prévu ajoutera de la complication supplémentaire. D’abord parce que la réduction des cotisations salariales se réalisera probablement en deux temps, de façon à gagner quelques milliards au passage puisque la hausse de la CSG pour les retraités et pour certains titulaires de revenus de capitaux  interviendra, elle, en une seule fois.

    Rappelons que la complication actuelle est déjà telle que l’administration se prend les pieds dans le tapis quand elle informe les Français. En effet, le fait qu’une fraction des versements de CSG est déductible du revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu est faussement présentée sur le site officiel « service public.fr » comme « déduction de l’impôt sur le revenu ». À la complication des lois s’ajoutent les dysfonctionnements des services chargés de l’information des citoyens, dont le travail n’est visiblement pas correctement supervisé : « qui trop embrasse mal étreint », dit la sagesse des nations.

    Quant à savoir si les retraités font plus ou moins d’efforts que les autres, la question n’a pas grand sens puisque leur revenu spécifique – la ou les pensions qu’ils perçoivent – est prélevé sur celui des actifs : vu l’accroissement du nombre des retraités, supérieur à celui des actifs, la ponction sur ces derniers n’a cessé de s’accroître. La mesure Macron consiste à reprendre d’une main ce qui a été donnée de l’autre grâce à une ponction sur les actifs, il ne faut pas l’oublier.

    Bruno Le Maire assure que les retraités les plus modestes (touchant moins de 1 200 €) ne seront pas touchés par cette mesure. Dans le cas d'une hausse de la CSG sur les retraités, comment anticiper le partage des "charges" ?

    Quelles seront les catégories de populations le plus touchées par cette mesure ? 

    La question du « partage des charges » est très difficile puisque rien, dans notre système fiscal et social,n’est conçu pour connaître le coût réel imputable à chaque assuré social, ni sa contribution effective. En tout état de cause, les petites modifications à la marge que vont produire les mesures annoncées – lesquelles peuvent encore subir des inflexions d’ici leur inscription dans des lois et règlements – sont minimes par rapport aux distorsions qui résultent déjà de ce qui existe actuellement.

    Quant aux perdants, le projet de mesures les désigne clairement : les retraités aisés le seront un peu moins.

    Alors que le gouvernement cherche à réduire les dépenses publiques, n'aurait il pas été plus pertinent de procéder à une réduction ciblée des prestations sociales sur les retraités, plutôt que d'agir par la voie de l'augmentation de la pression fiscale ? 

    Bien sûr, il est tentant de dire : « plutôt que verser beaucoup et reprendre une partie, versons moins ». Si cette formule était retenue, les retraités ne paieraient ni CSG ni cotisations sociales, et leurs pensions seraient moindres. Cela présenterait un avantage : on comprendrait que l’assurance maladie des retraités, pour ne citer que la plus importante des couvertures sociales dont ils bénéficient, n’est pas payée réellement par eux, mais par les actifs, qui leur versent l’argent de leurs cotisations. Mais pour rendre visible la réalité, à savoir que les retraités coûtent à l’assurance maladie beaucoup plus cher que les jeunes et les actifs, mieux vaudrait au contraire majorer fortement à la fois les pensions et les cotisations maladie des personnes âgées. 

    Ce qui est certain, c’est que la solution retenue, à savoir faire payer aux retraités des contributions à l’assurance maladie (CSG et cotisations)très inférieures à ce qu’ils lui coûtent, est inadéquate. Là encore, nous sommes en présence d’une formule qui résulte de petits calculs politiciens ne tenant aucun compte de ce qui devrait être l’un des principes de notre sécurité sociale et de nos services publics : la vérité des prix, la transparence. Des citoyens respectés par leurs élus payeraient, sous forme d’impôts ou de cotisations sociales, le juste prix de ce dont ils bénéficient. La cuisine fiscale et sociale que mijotent année après année les gouvernements et les élus de la nation est indigne d’une véritable démocratie.

    Sans doute faudra-t-il un jour inscrire le mot « clarté » dans notre Constitution. En attendant, Macron, Philippe,leurs ministres, les parlementaires et les hauts fonctionnaires font comme d’habitude : ils mélangent tout, n’ont pas de vision d’ensemble, aucun principe directeur respectueux de la clarté, sont à la recherche de petites astuces pour bricoler et ravauder,et ne permettent pas aux citoyens de comprendre où ils en sont.
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