• Projet de refonte de la protection sociale

    Crédit photo : M. Paille sur Visualhunt.com

    Crédit photo : M. Paille, sur VisualHunt.com

      Article de Jacques Bichot et Gérard Lafay, économistes, membres de l'AEC.
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      Objectif : réformer la protection sociale afin de transformer en un moteur pour l’économie ce qui constitue actuellement un boulet que nous traînons. La France consacre d’énormes moyens à sa protection sociale, mais des erreurs de conception, des dysfonctionnements et des abus gaspillent une partie importante de cet effort. Notre pays peut faire mieux sans dépenser plus, à condition d’être gouverné intelligemment.

     

    Des prélèvements obligatoires avec contrepartie. Les Français en ont ras-le-bol des prélèvements obligatoires sans contrepartie. En revanche, ils ont une appétence intacte pour les services de protection sociale : cela ne les choquerait pas que l’État-providence absorbe quasiment le tiers du PIB, comme c’est actuellement le cas en France, si l’efficacité de la sécurité sociale et du système de soins était à la hauteur du budget dont ces organismes disposent grâce aux cotisations et impôts que versent les citoyens. Il faut faire mieux sans dépenser davantage en proportion du PIB.

    Des cotisations purement salariales. Les cotisations dites « patronales » sont tout bonnement une partie de la rémunération des travailleurs, partie dédiée au financement de la Sécu. Il faut donc faire absorber les principales cotisations sociales patronales par les cotisations salariales. Hormis l’assurance accidents et maladies du travail, souscrite par l’employeur pour être couvert en cas de « pépin » dont, ès-qualité, il porte la responsabilité, aucune cotisation ne devrait être patronale. Ainsi deviendrait-il évident que le travailleur paye intégralement son assurance maladie, qu’il soit salarié ou à son compte. Pour l’assurance vieillesse, il faut pareillement rendre clair qu’en versant des cotisations vieillesse, le travailleur paye ce qu’il doit à ses aînés, qui l’ont jadis entretenu et formé.

    Raisonnons par exemple sur un salaire brut de 3 000 €, incluant dans la législation actuelle 600 € de cotisation salariale, auquel s’ajoutent 1 200 € de cotisation patronale, soit 4 200 € déboursés par l’employeur. Que dit le bon sens ? Si le salaire net est de 2 400 € (3 000 € – 600 €), la rémunération du travail s’élève à 4 200 €, sur lesquels la Sécu (au sens large) ponctionne 1 800 €. Il faut impérativement que le bulletin de salaire parte de ces 4 200 €, véritable rémunération du travail pour le salarié et véritable coût du travail pour l’employeur. La rémunération du salarié est 4200 € au total, dont 1 800 € serviront à payer sa protection sociale et ce qu’il doit à ses anciens du fait qu’ils l’ont mis au monde, entretenu, éduqué.

    De vraies cotisations, prélevées sur le compte du salarié. Pour que le coût de la Sécu soit bien compris par le salarié, il serait souhaitable que son compte soit crédité de la totalité de sa rémunération, 4 200 € dans notre exemple, et que les 1 800 € destinés aux organismes sociaux soient prélevés sur ce compte par lesdits organismes, comme le font les fournisseurs d’eau, d’électricité, de gaz et de services télématiques. Ainsi chacun se rendra compte de ce que coûte réellement la sécurité sociale.

    Il faudra parallèlement que les cotisations sociales soient bien explicitées, en distinguant clairement : 1/ celles qui apurent une dette vis-à-vis des aînés, et n’ont donc pas vocation à ouvrir des droits ; 2/ celles qui financent l’assurance maladie des cotisants, et donc ouvrent droit à la prise en charge des soins ; et 3/ celles qui financent la préparation des futurs travailleurs, et donc ouvrent des droits à pension.

    Des droits à pension vraiment contributifs. La loi dispose actuellement que l’attribution de droits à pension « contributifs » est effectuée en raison de cotisations qui, immédiatement reversées aux retraités, ne servent en rien à préparer les pensions promises aux cotisants. L’appellation « droits contributifs » est de ce fait inappropriée. Il faut remettre la sécurité sociale en accord avec la réalité économique, à savoir un échange entre générations successives : la génération A élève la génération B, investissant dans le capital humain qu’elle représente, puis vit du dividende tiré de cet investissement – une fraction des gains professionnels des membres de la génération B lorsqu’elle est devenue active.

    Le cœur de la Sécu est l’investissement dans le capital humain. Les droits à pension devraient être attribués au prorata des investissements réalisés dans le capital humain que représente la jeunesse. Ils emprunteront ainsi deux canaux distincts : un apport parental en nature (mise au monde, entretien, éducation) et un apport pécuniaire (impôts et cotisations finançant la formation initiale, les prestations familiales, l’assurance maladie des enfants et des jeunes en formation).

    Imaginons ce que pourrait être l’effet sur la fécondité d’une reconnaissance très concrète de la famille comme principal investisseur du pays ! Un investisseur qui n’a nul besoin d’être subventionné, mais seulement d’être respecté dans son droit naturel à obtenir une partie équitable du produit de l’investissement auquel il participe. Ce serait la fin de cette vision humiliante et fondamentalement inexacte de la famille assistée, conception qui mine notre fonctionnement sociétal.

    La mise en œuvre de cette réforme représente un vaste chantier, comportant la fusion des trois douzaines de régimes de retraite par répartition qui existent actuellement en France, et l’instauration d’un prélèvement destiné à remplacer divers impôts et cotisations qui financent aujourd’hui l’investissement dans la jeunesse. Un tel chantier doit être engagé en trois phases. Il conviendra d’abord, le plus rapidement possible, de réformer le mode de calcul de la rémunération des salariés, afin qu’ils soient crédités de la totalité du salaire « super-brut », puis prélevés par la sécurité sociale. Il faudra ensuite préciser le calcul, sous forme de points, de leurs droits à pension. Il faudra enfin organiser une période de transition (durée à fixer en concertation avec les partenaires sociaux), pour substituer graduellement le nouveau système de retraite aux multiples régimes actuels.

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