• L'État peut-il respecter le principe personnaliste ?

    Les propos qui suivent, extraits du discours du président Macron, le 9 avril 2018, aux Bernardins, devant les évêques de France, posent clairement la question des rapports entre l'Église catholique et l'État : "...si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer (...) Il est de la nature de l’Église d’interroger constamment son rapport au politique, dans cette hésitation parfaitement décrite par Marrou dans sa Théologie de l’histoire, et l’histoire de France a vu se succéder des moments où l’Église s’installait au cœur de la cité, et des moments où elle campait hors-les-murs."  

    Collège des Bernardins - Image par ldespierres de Pixabay

    Collège des BernardinsImage par ldespierres de Pixabay

    Membre de l'Association des Économistes Catholiques, j'ai jugé intéressant d'analyser la compatibilité de l'État avec la DSÉ (Doctrine Sociale de l'Église), sur laquelle s'appuie notre association.
    Le présent article présente des arguments soutenant l'idée que l'État puisse respecter la premier principe de la DSÉ, son principe de base : le principe personnaliste. Puis il énonce d'autres arguments, allant à l'encontre des premiers.
    Le principe personnaliste fait l'objet du chapitre 3 du Compendium de la DSÉ ("La personne humaine et ses droits", articles 105 à 159). Il affirme que toute personne humaine, parce qu'elle a été créée par Dieu à son image, dispose d'une incomparable, intangible et inaliénable dignité. Celle-ci nécessite que les droits de l'homme (de tout homme) soient identifiés, proclamés et respectés en tout lieu et toute circonstance.

    Ma conclusion n'est pas une conclusion de Normand. Elle prend parti sans ambiguïté. Je ne suis bien sûr pas à l'abri d'une erreur de raisonnement, que tout lecteur attentif voudrait bien, alors, me signaler.
    D'autres articles sont en chantier, qui seront consacrés à la compatibilité de l'État avec les autres principes de la DSÉ.

     

    La phrase qui me semble le mieux expliciter et résumer le principe personnaliste se trouve au paragraphe 135 du Compendium : "La dignité de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle, et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d'une contrainte extérieure" (Concile Œcuménique Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, 17: AAS 58 (1966) 1037; Catéchisme de l'Église Catholique, 1730-1732). Elle fait apparaître que la dignité humaine n'est pas respectée lorsque une personne est entravée par des chaînes, intérieures (les "poussées instinctives" auxquelles elle n'arrive pas à résister) ou non (les "contraintes extérieures" précitées).

    Ces contraintes extérieures peuvent s'exercer sous forme de force physique (armée, police, etc.) ou psychologique : tout ce qui relève de la manipulation. Celle-ci vise à endormir ou tromper la conscience de ses victimes. Elle utilise tout une batterie de techniques : injonction, mensonge, culpabilisation, sophismes, disqualification, menaces, chantage, etc.

    En première analyse, il semble que le rôle prioritaire de l'État soit, en exerçant ses fonctions dites "régaliennes" (défense, police, justice), de protéger les droits fondamentaux des citoyens (sécurité, propriété, liberté), en conformité avec le principe personnaliste.
    Lorsque l'État assure des fonctions non régaliennes, il est possible d'estimer que son action va dans le bon sens. Par exemple lorsqu'il gère la Sécurité Sociale, lorsqu'il organise et gère l'Éducation Nationale, ou les transports publics, ou le traitement du courrier postal.

    Ceci suffit-il à affirmer que, lorsque l'État exerce ses fonctions (régaliennes ou non), il respecte le principe personnaliste ? L'État n'utilise-t-il pas, alors, l'une ou l'autre des deux formes précitées de contrainte extérieure à l'égard des citoyens (force armée, manipulation) ?
    L'État n'est-il pas cette institution qui dispose, sur son territoire, du monopole de la violence légitime ?

     Manifestation contre la loi sécurité globale à Paris Crédit photo Jeanne Menjoulet sur VisualHunt

     Manifestation contre la loi sécurité globale à Paris
    Crédit Photo : Jeanne Menjoulet sur VisualHunt
     
     

    N'est-ce pas par la contrainte qu'il prélève les impôts, taxes, droits et autres contributions obligatoires qui lui permettent de se financer ?
    N'est-ce pas avec l'appui des forces de l'ordre, au besoin, qu'il impose le respect des lois et règlements qu'il édicte ?
    N'est-ce pas en instituant des monopoles (le sien, celui de la Sécurité Sociale, celui de la SNCF et de la RATP, celui de la Poste, etc.) qu'il interdit aux citoyens de choisir librement certains prestataires ou de proposer un meilleur service que celui desdits monopoles ?
    N'est-ce pas en ayant mis la main sur "l'Éducation Nationale" qu'il s'est donné les moyens d'endoctriner la jeunesse (et le corps enseignant), pour mieux les manipuler ?
    N'est-ce pas par le biais des médias "publics" qu'il poursuit le lavage de cerveaux et la manipulation commencés à l'école publique ?

     

    Est-il possible de citer un seul service rendu par l'État sans que celui-ci exerce la moindre contrainte extérieure ? ll me semble que non !

    Il n'est pas surprenant d'entendre le Christ nous dire (Mc 10, 32-45) : "Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude."

    Il semble donc que l'État ne soit pas en mesure de respecter le principe personnaliste, du fait que sa caractéristique première est son pouvoir de contrainte à l'égard des citoyens, quelles que soient les justifications données au dit pouvoir.

    Dans un prochain article, nous verrons si l'État est compatible avec le deuxième principe de la DSÉ, le principe du bien commun.

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