Blog de l'AEC, Association des Économistes Catholiques
Rectifier les erreurs de compréhension de la doctrine et les amalgames entre les différentes interprétations du christianisme, qui conduisent à ce genre d'affirmations, est une tâche qui dépasse le cadre de ce petit article et les compétences de son auteur. D'autres s'y sont employés et l'ont bien fait. Ce contresens sur la doctrine et la praxis catholiques peut être délibéré, ou bien dû simplement à l'ignorance (qui par exemple prend la peine de lire les encycliques, y compris celles antérieures à Vatican II?), ou enfin refléter le mystère de l'Eglise, sainte et pécheresse à la fois, les hommes qui en sont les membres n'étant pas toujours, loin de là et par nature, à la hauteur des 10 commandements et des Béatitudes. Ou encore simplement assimiler le catholicisme romain aux dérives jansénistes ou quiétistes, par exemple. Ou, enfin, faire porter à l'Eglise le chapeau de la déchristianisation, largement aussi suspecte pour ce qui est des ravages environnementaux et d'autres ravages plus spirituels.
On se contente ici de revenir brièvement sur la question de l'écologie intégrale, extérieure et intérieure à l'homme, nécessitant une véritable conversion intérieure nous dit le Saint Père dans la continuité de ses prédécesseurs immédiats, ainsi que Michel-Maxime Egger s'appuyant pour cela sur des Pères grecs et sur Maxime le Confesseur.
Il est incontestable qu'aucun pape avant François n'a consacré de texte magistériel intégralement à l'environnement ou à l'écologie. Est-ce à dire que les pontifes et l'Eglise enseignante se désintéressaient de la question et de notre relation à la Création? que nenni. Mépriser ou "instrumentaliser" la Création ou, pire, la saccager, est une offense au Créateur, et cela l'Eglise nous l'a toujours appris. Mais, pour l'écologie comme pour la doctrine sociale, l'Eglise (clercs et laïcs confondus) a pratiqué avant de théoriser (en admettant que la DSE remonte à Léon XIII, ce qui est très approximatif, confer Vix Pervenit de Benoît... XIV sur les contrats (sur le prêt à intérêt en fait). Sans même invoquer saint Thomas d'Aquin. Pour le dire autrement, elle s'est efforcée sur ces deux sujets de mettre en pratique la Bonne Nouvelle - nonobstant les chutes inévitables, péché originel oblige- avant de la formaliser dans la Tradition y compris jusqu'à nos jours. En rendant à César ce qui est à César et au Créateur sa Création, y compris César.
Les Bénédictins sont, me semble-t-il, des candidats assez sérieux au titre de précurseurs (médiévaux assurément, contemporains il en existe des exemples) du développement durable, ou de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises): impact économique, impact environnemental (agriculture etc.) et impact sociétal (évangélisation de proximité autour des monastères et bien au-delà). De même, l'image du Cistercien sur son tracteur parle d'elle-même (révérence gardée envers les fils de saint Bernard).
Giacomo Todeschini, dans "Richesse Franciscaine: de la pauvreté volontaire à la société de marché" (2004, traduction française Verdier Poche 2008) nous explique comment les Franciscains de la Renaissance ont puissamment contribué à mettre de l'ordre dans l'essor économique et bancaire de l'Italie, et bien au-delà. C'est précisément leur pauvreté radicale qui leur permettait de tenir ce rôle, ne servant qu'un seul Maître; on parlerait peut-être aujourd'hui d'absence de conflit d'intérêt. On peut supposer que le Tiers-Ordre franciscain , discrètement mais efficacement, a agi lui aussi dans le monde (au sens évangélique) et continue de faire lever non pas le levain des pharisiens mais le ferment évangélique.
L'auteur ne connaît pas assez les fils de saint Dominique pour savoir si, dans le sillage inépuisable de saint Thomas d'Aquin, ils ont prêché et de quelle manière une relation juste de la créature humaine avec la Création. Il est plus que probable que oui.
Enfin, G-K Chesterton, auteur comme on le sait de monographies lumineuses sur saint Thomas du Créateur (salué par Gilson, ce qui n'est pas peu) et sur saint François d'Assise, entre autres, a su dans son "Outline of sanity", 1926, traduit à raison ou à tort par "Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste" (Editions de l'Homme Nouveau, 2009), remettre quelques pendules à l'heure, à sa façon un peu tonitruante, en matière de retour à une économie (y compris terrienne) à échelle humaine (familiale, ce qui ne saurait déplaire au pape régnant) et respectueuse aussi bien de l'environnement que de l'humanité rachetée par le Sauveur.
L'auteur espère, par ces quelques exemples parmi beaucoup d'autres , avoir montré - quitte à enfoncer une porte ouverte - que l'écologie intégrale est depuis toujours une attitude découlant logiquement de l'enseignement de Jésus-Christ à sa source, comme de l'enseignement de son Eglise. Ce que nous rappelle avec ses mots à lui, le Saint Père dans Laudato si', en nous encourageant manu militari (en digne fils de saint Ignace, par conséquent), à ne pas nous reposer sur nos lauriers plus ou moins clairsemés ou fanés. Lequel saint Ignace de Loyola, se penchant sur une fleur, lui disait: "Chut, pas si fort", trouvant qu'elle manifestait trop bruyamment sa louange au Créateur. Ceci était le quatrième exemple. Le même enfin qui dans son "Principe et fondement", écrit que les autres choses qui sont sur terre sont là pour aider l'homme à atteindre sa fin dernière, Dieu, et non pour l'en détourner. Avec l'aide de Dieu.
Laurent Barthélemy, dimanche 4 octobre 2015