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Blog de l'AEC, Association des Économistes Catholiques

Michel Lelart : Pourquoi Benoît XVI parle-t-il de la microfinance dans Caritas in Veritate ?

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La dernière lettre encyclique du Pape Benoît XVI publiée le 29 juin 2009 « Caritas in Veritate » était annoncée comme une encyclique sociale. Plusieurs encycliques du même genre l’avaient précédée. La première est celle de Léon XIII sur la condition des ouvriers Rerum Novarum en 1891, alors que la révolution industrielle bat son plein et que Marx l’analyse à sa façon. La deuxième est celle de Pie XI sur le capitalisme Quadragesimo Anno en 1931, alors que le capitalisme connaît sa première grande crise que Keynes va s’efforcer d’expliquer quelques années plus tard. Viennent ensuite de Jean XXIII Mater et Magistra en 1961 sur les récents développements de la question sociale et Pacem in Terris en 1963 sur la paix entre les nations, puis en 1967 Popularum Progressio de Paul VI qui affirme que la question sociale est devenue mondiale et qui plaide pour un développement intégral de l’homme et un développement solidaire de l’humanité. Ce sont enfin trois encycliques de Jean-Paul II : Laborem Exercens en 1981 sur l’homme au travail, Sollicitudo Rei Socialis en 1987 sur les conditions et la nature d’un vrai développement, Centesimus Annus en 1991 qui marque le centième anniversaire de Rerum Novarum et qui plaide pour une société digne de l’homme.

Ces textes constituent la doctrine sociale de l’Église catholique 2 . Elle repose sur quelques principes essentiels que Léon XIII a posés dès Rerum Novarum et qui n’ont jamais varié depuis. Le premier est sans conteste l’intangible dignité de la personne humaine, qui entraîne, nous le verrons, la subsidiarité, la solidarité et le bien commun (Compendium, n°160)3. D’autres principes s’en déduisent, en particulier la destination universelle des biens et l’option préférentielle pour les pauvres. Mais ce sont les quatre premiers qui sont les véritables fondements d’une doctrine qui s’est sans cesse adaptée aux problèmes contemporains… et les problèmes ont changé depuis la fin du XIXe siècle.

L’encyclique de Benoît XVI s’inscrit parfaitement dans cette évolution. C’est toujours la même doctrine sociale, mais deux choses ont changé. La première est que cette encyclique n’est pas que sociale. Elle est aussi théologique, philosophique, voire même anthropologique. C’est pourquoi elle est si difficile à lire – au fil des pages on y rencontre le prix, le marché, les matières premières, l’entreprise, les syndicats… en même temps que la charité, la justice, la vérité, le bien commun, la liberté et, bien sûr, l’amour de Dieu… C’est aussi pourquoi elle est considérée comme un texte majeur dont la portée apparaît considérable à certains. Le second changement, plus naturel celui-là, concerne l’adaptation de l’encyclique à l’actualité. Le passage à l’international s’est fait avec Populorum Progressio, la mondialisation a été prise en compte avec Centesimus Annus, la nouveauté cette fois concerne l’environnement et, du fait de la crise, la finance… et tout particulièrement la microfinance.

On peut s’étonner de cette dernière intrusion dans une encyclique consacrée à l’Amour dans la Vérité ! A vrai dire, ce qu’en dit Benoît XVI n’est pas très original. Il parle de la microfinance à deux occasions.

- Dans le chapitre 4 intitulé « Développement des peuples, droits et devoirs… », le Pape affirme que « pour fonctionner correctement, l’économie a besoin de l’éthique » (n° 45). Et il pense que cela est également vrai de la finance qui peut plus facilement s’ouvrir à l’éthique à travers le microcrédit et, plus généralement, la microfinance. Il ne s’agit pas là de n’importe quelle éthique, mais d’une éthique « amie de la personne », qui repose sur « la dignité inviolable de la personne humaine, de même que sur la valeur transcendante des 2 normes morales naturelles » (n°45). L’économie – et la finance – ont donc besoin de morale et la microfinance apparaît comme une voie privilégiée. C’est pourquoi, ajoute Benoît XVI, « ces processus sont appréciables et méritent un large soutien ».

- Dans le chapitre suivant consacré à la collaboration de la famille humaine, le Pape passe en revue les domaines où pourrait s’exercer une plus grande solidarité, et il aborde celui de la finance (n°65). Elle doit être utilisée de manière éthique, et « il faut qu’elle redevienne un instrument visant à une meilleure production de richesses et au développement… de l’homme et des peuples… le système financier tout entier doit être orienté vers le soutien d’un développement véritable… ». Après avoir ainsi réaffirmé le but ultime de la finance, Benoît XVI appelle à des initiatives financières où la dimension humanitaire soit dominante. En évoquant la situation dramatique et le désespoir des couches les plus vulnérables de la population, il rappelle la création des monts de piété et du mouvement coopératif et il souhaite que l’expérience de la microfinance soit « renforcée et actualisée ». Il va même jusqu’à dire « il faut que les peuples pauvres apprennent à tirer parti du microcrédit » (n°65).

C’est donc en considérant à la fois sa nature, qui lui permet de s’ouvrir plus facilement à l’éthique, et sa finalité, qui lui permet de répondre aux besoins des plus pauvres, que Benoît XVI fait entrer la microfinance dans son encyclique Caritas in Veritate. Et il semble bien, effectivement, qu’elle y ait toute sa place. Dès lors, ce n’est pas tant ce que le Pape dit de la microfinance qui est important – il en dit peu de choses ! – c’est pourquoi il en parle. Et il nous semble qu’il en parle d’abord parce que la double finalité de la microfinance renvoie tout à fait à deux préoccupations majeures de l’Église (1). Il en parle aussi parce que les grands principes de la doctrine sociale de l’Eglise se retrouvent souvent mis en pratique dans les opérations de microfinance (2).

1. La double finalité de la microfinance

En accordant de petits crédits aux populations défavorisées, la microfinance permet tout à la fois d’accroître leur activité et d’améliorer leur niveau de vie. Ces deux objectifs sont naturellement liés : c’est l’augmentation de la production qui entraîne une augmentation du revenu. Ils sont néanmoins souvent analysés séparément, comme si les institutions de microfinance avaient les unes une vocation plutôt sociale, les autres une vocation plutôt économique.

a) La vocation sociale de la microfinance : la réduction de la pauvreté

D’une façon quasi naturelle, la microfinance et le microcrédit semblent n’avoir été inventés que pour essayer de réduire la pauvreté. Que voudraient dire d’autre de tout petits crédits accordés à des personnes qui n’ont pas besoin de beaucoup plus et qui ne peuvent offrir d’autre garantie que leur parole… et celles de quelques personnes comme elles ? C’est bien ce qu’a cherché Muhammad Yunus quand il a commencé à prêter à quelques femmes de son village. C’est le but qu’il poursuit depuis près de quarante ans : « construire un monde sans pauvreté », comme le dit le titre de l’ouvrage qui est en fait sa biographie (Yunus 1997). Cette finalité s’est trouvée réaffirmée par la campagne du Sommet mondial du microcrédit lancée à New York en 1997 et qui devait permettre à 100 millions de familles parmi les plus pauvres du monde d’améliorer leur condition grâce au microcrédit. M. Yunus souhaite que soit ainsi créé « un processus qui enverra la pauvreté au musée » (op. cit., page 342). Le microcrédit n’a pas été retenu expressément comme instrument de lutte contre la pauvreté dans les Objectifs de Développement pour le Millénaire, mais il suscite toujours beaucoup d’intérêt de la part des institutions internationales soucieuses d’aider à réduire la pauvreté, qu’il s’agisse de la Banque mondiale qui héberge le Cgap, du Fonds Monétaire International avec la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance, voire du Bureau International du Travail…

L’intérêt que suscite le microcrédit ne veut pas dire qu’il réussisse toujours. Les institutions ne prêtent pas toujours aux plus pauvres… certaines ne leur prêtent pas du tout ; les pauvres n’utilisent pas toujours efficacement leur crédit ; l’environnement économique n’est pas toujours favorable ; les institutions ne sont pas toujours bien gérées et les échecs ne sont pas l’exception 4 . Mais si l’enthousiasme des premières années s’est sensiblement atténué, le microcrédit et la microfinance restent toujours liés, et même étroitement, à un objectif devenu essentiel pour la communauté internationale : la réduction de la pauvreté.

La pauvreté est aussi une préoccupation de l’Eglise, et depuis fort longtemps. Bien avant les encycliques sociales, les Pères et les Docteurs de l’Eglise ont affirmé une conception de l’homme induisant la destination universelle des biens de la terre (Audoyer et de Laubier, 2009, pp. 19-20). Ce principe, sans cesse réaffirmé depuis, oblige à s’intéresser aux personnes qui ne disposent pas des biens matériels leur permettant de vivre dans la dignité. Ainsi s’explique « l’option préférentielle pour les pauvres » qui s’est manifestée au Moyen Age, en faveur des paysans endettés, par une interdiction de l’usure 5 , puis au moment de la révolution industrielle en faveur des ouvriers ne bénéficiant pas d’un « juste salaire » (Compendium, n°89 et 268). Elle se manifeste aujourd’hui en faveur des peuples depuis que Paul VI a considéré que la question sociale était une question mondiale et qu’il a défini le développement « comme le passage, pour chacun et pour tous, de conditions de vie moins humaines à des conditions de vie plus humaines » (Populorum Progressio, n°20).

Ce souci de l’Eglise de venir au secours des pauvres l’a conduite à prendre très tôt un certain nombre d’initiatives. Alors que les monastères et les hôpitaux venaient en aide à toute la population, l’aide destinée aux pauvres a été mise en place par les monts de piété dès la fin du XVe siècle 6 , puis par les sociétés de secours mutuels, enfin plus près de nous par les coopératives ou les mutuelles d’épargne et de crédit qui ont été, sans en avoir le nom, de réelles institutions de microfinance et qui sont encore les plus importantes dans certains pays, notamment en Afrique (Soulama, 2005, pp. 50 et 55). L’influence des églises a été déterminante dans la création de nombre de ces mutuelles, comme elle l’a été au Québec en 1900 quand Alphonse Desjardins a créé le mouvement des Caisses Populaires pour libérer les paysans de l’usure 7 .

Les temps ont changé, mais l’Eglise reste soucieuse de l’inégalité croissante entre les riches et les pauvres, même dans les pays les plus développés. Des organisations catholiques ou plus généralement d’Eglise, comme le Conseil Œcuménique, sont encore présentes aujourd’hui dans certaines institutions de microfinance ou impliquées d’une façon ou d’une autre dans ces opérations. Dans son message pour la Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2009, Benoît XVI a expliqué que pour construire la paix il fallait combattre la pauvreté 8 . Ce souci reste présent dans sa dernière encyclique, quand il parle de « ces temps où les problèmes financiers peuvent devenir dramatiques pour les couches les plus vulnérables de la population qu’il faut protéger contre les risques du prêt usuraire ou du désespoir » (n°65). Et c’est alors que, tout naturellement, il se réfère à la microfinance et au microcrédit. C’est bien la première fois que l’on trouve ces deux concepts dans une encyclique sociale, mais la précédente, Centesimus Annus, a été publiée en 1991. On ne parlait à ce moment-là ni de l’un ni de l’autre 9 .

b) La vocation économique de la microfinance : le développement de l’activité

Le microcrédit peut être utilisé à des fins de consommation, il permet alors de survivre – au moins temporairement. Il est aussi utilisé – et espérons-le, le plus souvent – à des fins de production. C’est en développant une activité productive que le bénéficiaire peut accroître son revenu et vivre mieux, et cette fois durablement. C’est pour cela que le microcrédit est souvent un crédit accompagné : l’emprunteur bénéficie de conseils, il reçoit une formation pour l’aider à utiliser ce crédit le mieux possible. C’est à cette finalité-là que M. Yunus se réfère quand il plaide pour le travail indépendant en critiquant que, dans la théorie de l’entreprise, il soit purement et simplement évacué…alors que « le microcrédit allume le moteur économique des individus rejetés par la société » (2008, page 104) 10. C’est exactement ce que pense Maria Nowak, à la fois quand elle regrette qu’on ne parle pas des entreprises individuelles alors que – dans les pays du Nord également – le travail indépendant est si important, et quand elle voit dans le microcrédit « l’opportunité donnée à chacun de construire sa vie, de se projeter dans l’avenir et de participer à la création de richesse » (2005, page 269).

On ne peut pas dire pour autant que le microcrédit réussisse toujours et partout. On voit souvent relatées dans la presse des expériences ponctuelles, au Bénin, aux Philippines… qui suscitent l’enthousiasme et qui donnent l’impression qu’il en est toujours ainsi. Mais derrière ces succès combien d’échecs ? Il est difficile de se faire une idée précise de l’impact de la microfinance sur le financement des petites ou des micro-entreprises, lesquelles constituent – au moins dans les pays du Sud – le secteur informel qui n’est ni le plus productif, ni le plus apte à se transformer. L’impact du microcrédit sur l’activité économique et sur les performances des entreprises est donc, lui aussi, beaucoup discuté 11. Il n’empêche que s’il n’est pas la solution pour le développement, il est une solution qui mérite d’être exploitée, au Nord aussi bien qu’au Sud, toujours en complémentarité avec d’autres politiques.

Cette nouvelle finalité de la microfinance est également prise en compte par l’Eglise. Les premières encycliques sociales ont considéré la situation de l’ouvrier, on pourrait préciser de l’ouvrier d’usine. C’est plus tardivement que l’entreprise – notamment la petite – a été évoquée, et avec elle le droit d’entreprendre. Jean XXIII le premier énonce que « tout homme a droit au travail et à l’initiative dans le domaine économique… La dignité humaine fonde également le droit de déployer l’activité économique dans des conditions normales de responsabilité personnelle » (Pacem in terris, n° 18 et 20). Il ne s’agit plus seulement du droit au travail et à un juste salaire, il s’agit du droit d’entreprendre soi-même une activité. Jean-Paul II va affirmer à son tour le droit de toute personne à l’initiative économique. Il le fait d’abord dans Laborem Exercens : « L’homme qui travaille désire… qu’on prenne en considération… la possibilité pour lui d’avoir conscience que, même s’il travaille dans une propriété collective, il travaille en même temps "à son compte" » (n°15). Tout travail peut donc être considéré comme un travail pour soi-même, et le travailleur peut en avoir conscience. Le Pape est plus précis dans l’encyclique suivante quand il constate que « dans le monde d’aujourd’hui "le droit à l’initiative économique" est souvent étouffé » (Sollicitudo Rei Socialis, n°15). Il va même jusqu’à considérer que la privation des droits fondamentaux de la personne, en particulier du droit à l’initiative économique, est une forme spéciale de pauvreté (n°42). Enfin dans l’encyclique qui marque le centenaire de Rerum Novarum, il affirme à nouveau "le rôle du travail humain" maîtrisé et créatif et, comme part essentielle de ce travail, "celui de la capacité d’initiative et d’entreprise" devient toujours plus évident et déterminant » (Centesimus Annus, n°32). Ce n’est plus seulement le droit à l’initiative économique qui est affirmé, c’est son importance grandissante qui se trouve reconnue dans un monde transformé peu à peu par la mondialisation.

Et on peut se demander si ce n’est pas cette insistance de Jean-Paul II à revenir sans cesse sur ce nouveau droit et à souligner son importance qui a donné l’idée à Maria Nowak, quand elle a voulu en 1989 reproduire en France l’expérience de M. Yunus, de donner à l’organisme qu’elle a créé ce nom que nous connaissons bien : Association pour le Droit à l’Initiative Economique (ADIE). Cette association accorde chaque année à peu près 10.000 crédits, principalement à des chômeurs ou à des allocataires d’aide sociale qui souhaitent créer une entreprise ou régulariser une activité informelle. 67.000 petites ou microentreprises ont été créées à ce jour. L’Association qui est présente dans tous les départements compte trois fois plus de bénévoles que de salariés.

Mais revenons à Benoît XVI. Il ne parle plus du droit à l’initiative économique dont on peut dire qu’il a bien sa place désormais dans la doctrine sociale de l’Eglise. Mais il ouvre un paragraphe (n°41) sur l’entrepreneuriat… concept moderne s’il en est et qui ne manquera pas d’étonner dans une encyclique consacré à l’Amour dans la Vérité ! L’entrepreneuriat est saisi cette fois dans sa dimension humaine, considérée comme prioritaire. Il renvoie à la personne qui entreprend. Le Pape reprend même la formule bien connue de Paul VI « tout travailleur est un créateur » (Popularum Progressio, n°27). Il ne dit pas que tout travailleur est un entrepreneur, mais il pense que tout travailleur doit pouvoir travailler comme s’il avait conscience de travailler à son compte (n°41) 12, c’est-à-dire comme s’il avait conscience d’être lui-même entrepreneur. C’est toujours l’importance attribuée au travail indépendant et, à travers lui, à la personne humaine. Dès lors, on comprend que, parlant un peu plus loin de la finance, Benoît XVI parle aussi de la microfinance, car elle peut « apporter des aides concrètes pour la création d’initiatives et de secteurs nouveaux en faveur des franges les plus fragiles de la société ». On pense naturellement aux petites entreprises et au secteur informel… d’autant plus que le Pape souhaite que soit approfondie et encouragée « l’expérimentation de formes nouvelles de finance destinées à favoriser des projets de développement » (n° 65).

2. Les principes de la doctrine sociale de l’Eglise

C’est parce que la microfinance a des chances de contribuer à développer l’initiative et l’activité économiques, comme à réduire la pauvreté et l’exclusion, qu’elle trouve tout naturellement sa place, désormais, dans une encyclique qui traite de questions sociales. C’est aussi parce que, du fait de certaines de ses modalités ou de ses caractéristiques, elle est très proche des principes qui, avec l’intangible dignité de la personne humaine, constituent les fondements de la doctrine sociale de l’Eglise.

a) La subsidiarité

Le principe de subsidiarité plonge ses racines dans la philosophie grecque, en particulier chez Aristote, mais c’est dans Quadragesimo Anno que le principe est clairement formulé : « on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens… ». De même on ne peut « retirer aux groupements d’ordre inférieur pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes » (Compendium, n°186). Ce principe veut dire que les actions devraient être pilotées, autant que faire se peut, au niveau hiérarchique le plus bas. Il n’est qu’une application du principe de la dignité et de la primauté de la personne. Mais il est d’une portée générale puisqu’il concerne également les groupements et associations de toutes sortes, ces fameux corps intermédiaires auxquels l’Eglise attache depuis si longtemps une bien grande importance et dont elle réclame que leur autonomie et leur indépendance soient garanties. La subsidiarité a aussi des conséquences au plan politique, puisqu’elle impose à l’Etat de s’abstenir de toute ingérence qui ne serait pas justifiée 13, ainsi qu’au plan international où la mondialisation risque de renforcer les pouvoirs des instances supérieures.

Ce principe de subsidiarité figure désormais parmi les directives les plus constantes et les plus caractéristiques de la doctrine sociale de l’Eglise (Compendium, n°185). Benoît XVI qui voit en lui « l’expression de l’inaliénable liberté humaine » (n°57), lui donne beaucoup d’importance, en même temps qu’à tous ces corps intermédiaires qui constituent la société civile à laquelle il renvoie fréquemment. « La subsidiarité est avant tout une aide à la personne, à travers l’autonomie des corps intermédiaires » (n°57). Il applique également ce principe au développement. La personne humaine « est le sujet qui, le premier, doit prendre en charge la tâche du développement… Les microprojets sont nécessaires et, plus encore, la mobilisation effective de tous les acteurs de la société civile, des personnes juridiques comme des personnes civiques » (n°47). Le Pape applique aussi la subsidiarité à l’aide au développement : « Les aides économiques doivent être accordées en collaboration non seulement avec les gouvernements des pays intéressés, mais aussi avec les acteurs économiques locaux et les acteurs de la société civile qui sont porteurs de culture, y compris les églises locales » (n°58) 14.

La microfinance ne fait-elle pas précisément partie de cette société civile ? Ce sont souvent des initiatives locales qui font naître et se développer des groupements d’épargne et de crédit ou des caisses villageoises qui vont ensuite se structurer et devenir de véritables institutions. Lorsque celles-ci grandissent, le rôle des acteurs locaux reste souvent déterminant, surtout si elles restent fidèles à leur vocation sociale. La présence d’élus est nécessaire dans des caisses mutuelles ou des coopératives, même lorsqu’elles s’organisent en fédération. Les institutions sont souvent en contact avec des ONG ou d’autres associations. L’Etat peut intervenir, mais une intervention directe n’est jamais une bonne solution, et le maintien prolongé de subventions n’est guère recommandé. A l’exception des grosses institutions, la gestion est largement décentralisée. En faisant partie de la société civile, la microfinance est un terrain d’accueil privilégié pour le principe de subsidiarité, principe essentiel de la doctrine sociale de l’Eglise 15.

b) Le bien commun

Le bien commun n’est pas un concept facile à définir. Ce n’est pas quelque chose qui se distinguerait des biens particuliers. Jean XXIII l’évoque à plusieurs reprises dans Pacem in terris, en le situant à différents niveaux. Au niveau mondial, il est question de bien commun universel « qui pose de nos jours des problèmes de dimension mondiale. Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique de compétence universelle » (n°137). Au niveau de l’Etat, « on ne saurait permettre que l’autorité civile tourne au profit d’un seul ou d’un petit nombre, car elle a été instituée pour le bien commun de tous » (n°56). Enfin, au niveau de la personne « tous les individus… sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l’ensemble » (n°53). A ce niveau-là, le bien commun concerne la personne toute entière, « il embrasse l’ensemble des conditions de vue en société » (n°58).

On comprend que ce bien commun soit aussi difficile à atteindre. Il requiert en effet « la capacité de réaliser le bien des autres comme si c’était le sien, de le rechercher constamment » (Compendium, n°167). Agir pour le bien commun, c’est donc agir non seulement dans son propre intérêt, mais en même temps dans celui des autres. Jean-Paul II l’a bien défini à son tour quand il recommande « une détermination ferme et persistante de travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous » (Sollicitudo Rei Socialis, n°38). Benoît XVI ne dit pas autre chose : « A côté du bien individuel, il y a un bien lié à la vie en société : le bien commun. C’est le bien du nous-tous, constitué d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale » (n°7). En définitive, il n’existe pas quelque chose qui serait le bien commun, différent des biens particuliers. Le bien commun est plutôt un comportement : Agir pour le bien commun, c’est agir pour les autres en même temps que pour soi.

Il va de soi qu’il est bien difficile d’avoir en permanence un tel souci ou d’atteindre fréquemment un tel objectif. Cela n’arrive-t-il pas plus souvent dans la microfinance que dans bien d’autres secteurs de l’activité économique ? Les pauvres, le secteur informel, le microcrédit, tout cela constitue un espace où l’on pense aussi souvent aux autres. N’est-ce pas précisément ce que M. Yunus a fait en prêtant quelques pièces à des femmes pauvres contre toute rationalité économique ? (Rochet, 2001). C’est ce qu’il a fait il y a plus de quarante ans qui donne à d’autres, depuis, l’idée de faire la même chose. C’est souvent pour copier la Grameen Bank que les institutions sont créées ici ou là. Quand ce modèle n’est pas pris en exemple, le but est toujours d’aider les plus pauvres, de venir au secours des moins favorisés, de leur offrir, à travers le crédit, l’accès à des services essentiels, ceux-là mêmes qui correspondent aux exigences du bien commun (Compendium, n°166). Et si certaines institutions une fois créées sont ensuite gérées comme des entreprises, beaucoup réussissent à sauvegarder quelque chose de l’esprit qui les a animées au départ. Que ce souci d’offrir des services essentiels à des personnes qui n’en disposent pas ne soit pas systématiquement contraint par des exigences de rentabilité permet d’apprécier la microfinance à la lumière du bien commun. 

c) La solidarité

La solidarité est un principe tout aussi essentiel. Elle aussi trouve son origine dans la philosophie grecque, sous le nom d’amitié. Elle a été reprise par Léon XIII dans la première encyclique sociale, puis dans celles qui ont suivi. Elle découle tout naturellement du principe de la dignité de l’homme et, plus encore peut-être, de la destination universelle des biens. De là vient l’option préférentielle pour les pauvres et le souci de l’Eglise depuis longtemps de voir se réduire la pauvreté et d’y contribuer en suscitant une grande variété d’œuvres caritatives. Cette solidarité sans cesse réaffirmée s’est trouvée étendue au niveau international quand Paul VI a prêché pour un développement intégral et solidaire pour l’humanité, qui consiste à « promouvoir tout homme et tout l’homme » (Popularum Progressio, n°15). L’importance de la solidarité entre les peuples est réaffirmée à nouveau par Jean-Paul II qui va jusqu’à dire « il faut globaliser la solidarité » (Compendium, n°321). Et il pense aussi à la solidarité entre les générations qui, à l’époque de la mondialisation, est aussi devenue un devoir de la communauté (Compendium, n°367).

Benoît XVI est resté dans cette tradition. Il s’élève contre l’augmentation massive de la pauvreté au sens relatif qui « tend à saper la cohésion sociale » et provoque « une érosion progressive du capital social, c’est-à-dire de cet ensemble de relations de confiance, de fiabilité, de respect des règles, indispensables à toute coexistence civile » (n°32). Il n’a pas élargi davantage le champ de la solidarité, mais il a réaffirmé son importance au cœur même de l’économie. « Le marché n’existe pas à l’état pur… » (n°36). « Le marché est l’institution économique qui permet aux personnes de se rencontrer, en tant qu’agents économiques utilisant le contrat pour régler leurs relations… Il n’arrive pas à produire la cohésion sociale dont il a pourtant besoin pour bien fonctionner. Sans formes internes de solidarité et de confiance réciproque, le marché ne peut pleinement remplir sa fonction économique » (n°35). Il est évident que la confiance est nécessaire, mais on peut s’étonner que le marché ait également besoin de solidarité… On le comprend quand Benoît XVI ajoute que « dans les relations marchandes, le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale » (n°36). On peut être surpris devant un tel discours. Mais c’est là l’un des points forts de cette encyclique. Le Pape propose de réintroduire le don et la gratuité dans toute l’économie 16, de façon à « créer de la socialité » (n°39), ce que le marché ne sait pas faire de lui-même.

Dès lors, la microfinance est parfaitement à sa place dans cette encyclique. Elle n’est pas de la finance gratuite puisque le crédit, même s’il est d’un montant très modeste, même s’il est accordé à des pauvres, est toujours accordé à un certain taux d’intérêt. Et des institutions de microfinance ne sont pas des entreprises humanitaires, elles tendent le plus souvent à devenir autonomes, adoptant même parfois une logique commerciale afin de couvrir leurs coûts… et au-delà. Cependant, on trouve aussi des institutions qui cherchent la rentabilité, mais sans que le profit soit le but premier de leur activité. Quand il s’agit de mutuelles ou de coopératives, les élus qui jouent un rôle important sont des bénévoles. Le taux d’intérêt est souvent celui du marché, mais il arrive aussi qu’une subvention permette de le maîtriser, ne peut-on peut parler dans ce cas d’une solidarité politique ? Enfin le microcrédit est généralement accompagné de services souvent assurés par des personnes qui mettent leurs compétences au service des petits porteurs de projets, et là encore bénévolement. La microfinance n’est pas de la finance gratuite, mais elle est un secteur favorable à des initiatives ou des expériences fondées sur la solidarité. C’est ce que pense Paul Dembinski quand il prend l’exemple de certains projets de microfinance qui permettent de mettre en place de véritables « structures de confiance » capables de susciter la confiance au cœur des relations socio-économiques (2008, page 194).

d) La proximité… et la diversité

Il ne s’agit pas vraiment cette fois d’un nouveau principe de la doctrine sociale de l’Eglise. Il ne s’agit pas de la proximité entre les personnes, elle relève de la solidarité. Il s’agit, pour chaque personne, de la proximité de ses actes par rapport à sa culture, à ses traditions, à ses croyances. Cette proximité-là prend tout son sens avec l’extension de la mondialisation depuis quelques années. C’est Jean-Paul II qui, le premier, en a pris conscience : « la mondialisation doit respecter la diversité des cultures qui, au sein de l’harmonie universelle des peuples, constitue une clé d’interprétation de la vie. En particulier, elle ne doit pas priver les pauvres de ce qu’il leur reste de plus précieux… » (Compendium, n°366). Il est certain que la mondialisation n’est pas de nature à respecter les diversités culturelles, pas plus que les spécificités locales, en particulier en matière de finance. La globalisation financière n’est-elle pas définie par la déréglementation – la suppression de règles qui sont nationales – et par le décloisonnement – la suppression des frontières ?

Cette nouvelle préoccupation est partagée par Benoît XVI qui souligne à plusieurs reprises l’importance de la culture. Il met en garde contre le double risque d’éclectisme ou de relativisme culturel – les cultures sont considérées comme équivalentes – et du nivellement culturel – les comportements et les styles de vie s’uniformisent (n°26). Mais c’est surtout au niveau international que la prise en compte ou le respect des différentes cultures devient essentiel. Pour le Pape, les acteurs de la coopération dans les pays développés doivent « prendre en compte leur propre identité culturelle, comme celle des autres, ainsi que des valeurs humaines qui y sont liées ». Quant aux sociétés en voie de développement, « elles doivent rester fidèles à tout ce qui est authentiquement humain dans leurs traditions » (n°59). Cela n’est pas sans conséquences sur l’aide des premiers aux seconds qui doit être accordée, nous avons déjà cité l’encyclique, « en collaboration avec les acteurs économiques locaux et les acteurs de la société civile qui sont porteurs de culture ». Et le Pape ajoute : « Les programmes d’aide doivent prendre de plus en plus les caractéristiques de programmes intégrés soutenus par la base » (n°58). Il souhaite que les programmes de développement soient adaptés aux situations particulières et qu’ils soient suffisamment flexibles. Et il dit enfin : « les personnes qui en bénéficient devraient être directement associées à leur préparation et devenir protagonistes de leur réalisation » (n°47).

Cette diversité des traditions et des cultures qui créent la nécessité de s’adapter chaque fois doit également être respectée dans le monde de la finance. Cela veut dire que les institutions qui accordent du crédit doivent s’efforcer d’être proches de leurs clients. C’est ainsi que la diversité entraîne la proximité. C’est dans la microfinance que cette proximité est la plus facile à réaliser. Elle y va même de soi. Les institutions naissent souvent, nous l’avons dit, d’initiatives locales ; la gestion est assurée par des cadres locaux ; le contrôle l’est parfois par les membres ; les procédures sont fréquemment adaptées aux besoins, qu’il s’agisse de l’octroi des crédits, de leur recouvrement, des garanties demandées. C’est cette adaptation aux conditions locales qui explique l’efficacité des programmes de microcrédit (Nowak, 2005, pp. 175-176). N’oublions pas que le microcrédit permet surtout de financer le secteur informel, ce qui réclame une exceptionnelle souplesse. Il est aujourd’hui accordé par des institutions, il l’était autrefois – il l’est encore souvent – au sein de groupements dont les membres se prêtaient et s’empruntaient eux-mêmes directement. Dans ces pratiques financières informelles, comme on les appelle, la proximité est maximale, et l’efficacité souvent très grande (Lelart, 2005, pp. 33-35).

C’est parce qu’elle est une finance de proximité, parce qu’elle fait une large place à la solidarité, parce qu’elle permet de mettre en œuvre la subsidiarité et parce qu’elle est un terrain propice au bien commun que la microfinance apparaît désormais comme une alternative à la finance contemporaine. C’est aussi pour toutes ces raisons qu’elle trouve sa place dans l’encyclique de Benoît XVI sur l’Amour dans la Vérité.

Conclusion

L’encyclique Caritas in Veritate qui parle pour la première fois de la microfinance ne nous apprend quasiment rien sur elle. Mais nous avons cherché à comprendre pour quelles raisons - autres que la simple actualisation de la doctrine sociale de l’Eglise – Benoît XVI nous parle de ces nouvelles pratiques financières. Celles-ci sont simplement évoquées une première fois d’une façon très générale à propos de l’éthique (n°45), et une seconde fois à propos de la finance qui doit servir aussi aux populations pauvres ou fragiles (n°65). On ne trouve pas ne serait-ce qu’un paragraphe consacré spécialement à ce sujet. Si l’encyclique s’y réfère à plusieurs reprises, c’est d’abord parce que le microcrédit a une chance à la fois de réduire la pauvreté – on sait quel est depuis toujours le souci de l’Eglise à ce sujet… – et d’offrir à ceux qui n’ont pas de travail d’entreprendre une activité. C’est aussi parce qu’elle permet à une finance éthique de se développer, et parce qu’elle intègre aisément les principes de la doctrine sociale de l’Eglise.

L’encyclique aurait pu nous permettre de voir autrement la microfinance, ou de répondre plus facilement à certaines interrogations relatives par exemple aux « bonnes pratiques », qu’il faudrait susciter ou aux meilleures politiques pour le faire. Il n’en est rien. Elle ne propose aucune recette, elle ne suggère aucune piste, elle ne montre aucune voie. Elle n’a pas à préférer tel type d’institutions, telle taille, telle politique… La seule suggestion qui ressort c’est de commencer à introduire du don et de la gratuité dans ce secteur, où la solidarité est naturelle. Cela pourra faciliter sa diffusion dans le reste de l’économie (Dembinski, 2009).

Que nous reste-t-il en fin de compte de cette lecture de Caritas in Veritate ? D’abord la satisfaction d’avoir découvert non pas la nécessité ou la possibilité de mettre en place un nouveau système économique, mais l’existence d’une « voie idéale », lumineuse et cohérente, qui nous est simplement tracée. Ensuite le sentiment que cette encyclique peut se lire en faisant abstraction des références théologiques ou philosophiques dont elle est parsemée : elle s’adresse à tous les hommes de bonne volonté auxquels elle propose une synthèse des problèmes actuels de nos économies en faisant une véritable « lecture enveloppante de la société » (Gomez, 2009). Enfin la conviction que l’économie est au cœur des sciences sociales, que la microfinance, comme toute la finance, est au service de l’économie, enfin que l’économie est au service des hommes. Cette conviction-là paraît d’une banalité sans pareille. Combien d’entre nous la vivent dans le monde d’aujourd’hui ?

1 . Laboratoire d’Economie d’Orléans (UMR-CNRS 6221)
2 . Nous parlerons désormais de l’Eglise sans préciser, car il n’existe pas à proprement parler une doctrine sociale protestante du fait de la diversité des Eglises locales. D’autre part les patriarches orthodoxes ne s’intéressent aux questions sociales que depuis quelques années, il est donc difficile de parler déjà d’une doctrine sociale.
3 . Nous nous référons au Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise lorsqu’il s’agit des premières encycliques dans lesquelles les paragraphes ne sont pas numérotés, ou de textes autres que les encycliques sociales que nous avons citées.
4 . Sur une analyse critique des Sommets du micro-crédit, cf. I. Guérin (2002). Pour une analyse critique des pratiques et des performances des institutions, cf. J.-M. Servet (2006), pp. 388-400. Cf. également l’introduction à ce numéro.
5 . L’église catholique a interdit le prêt usuraire, qui était un prêt à la consommation, indispensable pour survivre (de Lauzun, 2005).
6 . Le premier monte di pieta a été créé en 1462 à Pérouse par un moine italien qui voulait de cette façon combattre l’usure. Dans les années qui ont suivi, d’autres ont été créés dans plusieurs villes italiennes. Ces monts de piété ont été reconnus officiellement dès 1515 par le Concile de Latran qui a en même temps levé l’interdiction du prêt à intérêt.
7 . Les premières caisses étaient ouvertes le dimanche après l’office, les réunions avaient lieu à la sacristie et le curé tenait les comptes. La plupart des caisses de crédit mutuel en Alsace et quelques-unes en Île-de-France ont été créées de la même façon. Les églises ont également joué un rôle, parfois décisif, dans la création de certaines caisses en Afrique (Soulama, 2005, pp. 54-55).
8 . M. Yunus n’a pas dit autre chose en recevant le prix Nobel de la Paix le 10 décembre 2006 : « La paix est indissolublement liée à la pauvreté... La pauvreté est une menace pour la paix ».
9 . On ne demande plus seulement à la microfinance aujourd’hui de réduire la pauvreté, mais aussi de lutter contre l’exclusion financière. Cela n’apparaît pas dans l’encyclique… il faudra attendre la prochaine.
10. M. Yunus va jusqu’à conclure qu’en faisant une telle impasse, « l’économie a perdu toute vocation sociale pour devenir une simple science des affaires » (1998, page 297).
11. Pour une analyse critique de cet impact, cf. J.-M. Servet, 2006, pp. 408-418. 5
12. En écrivant cela, Benoît XVI renvoie à l’encyclique Laborem Exercens de Jean-Paul II. Mais bien que l’idée du « travail à son compte » soit chaque fois mise en valeur, il ne s’agit pas exactement de la même idée. Chez Jean-Paul II le travailleur doit « avoir conscience » qu’il travaille à son compte. Chez Benoît XVI le travailleur doit pouvoir « savoir travailler » à son compte. Il est facile de passer du latin au français ; il l’est moins de passer d’abord de l’allemand au latin !
13. Ce principe a été introduit dans les traités européens. Cf. Le traité sur l’Union européenne, article 5.3. On cite aussi l’article 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « les Etats membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne ». Il n’échappe à personne que ce n’est plus tout à fait la même idée !
14. Benoît XVI évoque même la subsidiarité fiscale qui permet aux contribuables de décider eux-mêmes de l’affectation d’une partie de leurs impôts. C’est ce que nous avons en France avec la réduction d’impôt liée aux dons.
15. Comme le dit très bien Maria Nowak : « Dans tous les pays, riches ou pauvres, où l’administration étouffe l’initiative des citoyens, le microcrédit décentralise le pouvoir économique au bénéfice de tous » (2005, page 83).
16. C’est-à-dire dans le domaine marchand (les entreprises) et dans le domaine politique (l’Etat). Les solutions ne sont pas évidentes… à nous maintenant de chercher (Naudet, 2009).

 

Bibliographie

Audoyer J.-P. et de Laubier P., L’Eglise à l’heure de « Caritas in Veritate » – La pensée sociale catholique : un défi pour le monde, Salvator, 2009.

Benoît XVI, Message pour la célébration de la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2009.

Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in Veritate sur le développement humain intégral dans la charité et la vérité, 7 juillet 2009.

Conseil pontifical « Justice et Paix », Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, Editions du Vatican, 2005.

Dembinski P., Finance servante ou finance trompeuse ?, Rapport de l’Observatoire de la Finance, Desclée de Brower, 2008.

Dembinski P., De l’incomplétude de l’économie, L’AgéFI, 10 août 2009.

Gomez P.-Y., Le Pape et le gestionnaire – Pourquoi il faut lire l’encyclique Caritas in Veritate, La Revue des Sciences de la Gestion, n°237-238, septembre 2009, pp. 1-4.

Guérin I., Les sommets mondiaux du microcrédit : où en est-on cinq ans après ?, Revue Tiers Monde, n°172, décembre 2002, pp.867-877.

Lauzun P. de, L’enseignement catholique et la finance, Rapport moral sur l’argent dans le monde, Association d’Economie financière, 2005, pp. 459-469.

Lelart M., De la finance informelle à la microfinance, AUF et Editions des Archives Contemporaines, 2005.

Naudet J.-Y., Une leçon d’éthique économique, Liberté Politique, Numéro spécial Caritas in Veritate – Une anthropologie du don, n°46, automne 2009, pp. 53-64.

Nowak M., On ne prête (pas) qu’aux riches – La révolution du microcrédit, J.-C. Lattès, 2005.

Rochet C., Gouverner par le Bien commun, F.X. de Guibert, 2001.

Servet J.M., Banquiers aux pieds nus – La microfinance, Odile Jacob, 2006.

Soulama S., Microfinance, pauvreté et développement, AUF et Editions des Archives contemporaines, 2005.

Yunus M. avec Jolis A., Vers un monde sans pauvreté – L’autobiographie du « banquier des pauvres », J.-C. Lattès, 1997.

Yunus M. avec Weber K., Vers un nouveau capitalisme, J.-C. Lattès, 2008. 

 

 

 

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