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Blog de l'AEC, Association des Économistes Catholiques

Investir pour le bien commun Première partie : l’investissement éthique

 

 

On parle beaucoup de l’investissement éthique, et de fait il se développe de plus en plus. L’idée sous-jacente est celle de la responsabilité que comporte toute propriété, appliquée au cas particulier de l’investissement financier au sens large. Ce bon usage, intégrant un souci du bien commun, peut devenir un enjeu majeur. Et notamment du fait que chaque investissement réalisé avec un tel souci envoie un message aux entreprises, à travers le marché. D’où le lien entre cette question et ce qu’on appelle responsabilité sociale de l’entreprise ou RSE, comprise au sens large.

 

Dans ce premier article on évoquera la question générale de l’investissement éthique, réservant pour un deuxième article la question des cirières ou des objectifs recherchés (environnement, social etc.)

Comment investir ? Actions et obligations

A la base de cet examen se pose la question centrale pour tout détenteur d’argent : comment l’investir et par là orienter l’économie ? Rappelons d’abord qu’avant toute réflexion sur le choix des entreprises ou projets dans lesquels on investit, il y a la question des instruments financiers eux-mêmes. Naturellement, ils vont dépendre des horizons de placement : sur un horizon court, on se place nécessairement sur des produits de taux, eux-mêmes relativement courts (Sicav ou fonds de court terme ou peu sensibles, comptes bancaires). Sur un horizon plus long, et a fortiori très long, lequel doit être privilégié, le choix peut se porter sur des produits de taux (Sicav obligataires ou obligations notamment), sur de l’immobilier, ou sur des actions, ce qui va en principe du moins risqué au plus risqué. Sachant que comme on sait, en principe plus l’horizon est long, plus les produits dits risqués rapportent (ce qui est logique), et donc en un sens deviennent moins risqués. Toutes les données historiques montrent que le meilleur placement sur le très long terme, ce sont les actions, c’est-à-dire les entreprises. Ajoutons enfin qu’entre les deux catégories de titres, cotés et non-cotés, il n’y a évidemment pas a priori de préférence morale ; sachant que le non-coté, peu ou pas liquide par définition, peut par-là signifier une certaine solidarité, mais aussi un risque accru ; il peut aussi être le moyen d’agir pour des causes plus particulières qui ne sont pas représentées dans les titres cotés. Naturellement aussi, la stratégie d’investissement va dépendre de la position de chacun, de ses moyens, de ses connaissances et de ses besoins. Transformer toute la population en boursiers n’aurait évidemment aucun sens.

 

Sur le plan éthique, il en est de même. Sous réserve du point précédent, il faut reconnaître ce point essentiel mais peu familier pour beaucoup de gens, surtout en France : la priorité éthique des actions sur les autres modes d’investissement, notamment sur les titres de dette. Non seulement parce qu’elles permettent d’agir plus directement sur les entreprises, puisque l’actionnaire est propriétaire conjoint de cette entreprise et vote dans les assemblées générales sur ses grandes orientations et le choix de sa direction – et peut aussi avoir à prendre position sur la cession de l’entreprise (OPA et autres). Mais c’est aussi parce que l’investissement en fonds propres (en actions) est dans sa logique profonde plus solidaire du sort des entreprises (s’il n’est pas détourné comme objet de spéculation au mauvais sens du terme) : si elles prospèrent, il s’apprécie fortement ; si elle perd, il perd, voire disparaît. En outre, il faut rappeler que tous les grands drames financiers ont été d’une manière ou d’une autre des crises de la dette. Sans parler des effets potentiellement destructeurs de la dette publique, qui finance pour l’essentiel des dépenses courantes et s’accroît sans relâche depuis plus de 40 ans. Les risques importants liés à l’endettement et l’effet de levier sont centraux dans nos systèmes financiers (comme je l’évoque dans d’autres articles www.pierredelauzun.com/Dette-publique-que-faire.html; www.pierredelauzun.com/La-dette-la-monnaie-les-Etats.html). La dette est utile si le risque est faible, si elle n’implique pas mise en danger de l’emprunteur, du prêteur, et de la société plus généralement. Elle peut en outre présenter un autre risque, celui de report des décisions sur les générations futures, sauf si elles financent un investissement productif permettant son remboursement. On soulignera ici la nocivité de la plupart des dettes publiques selon ce critère.

 

A ces considérations il faut ajouter une catégorie à part d’investissements, ceux qu’on appelle solidaires, et qui recouvrent des réalités assez variables. Pour simplifier, ce sont d’un côté des investissements réalisés dans des entreprises (ou des projets) solidaires, c’est-à-dire ayant une politique, une gestion, une affectation des résultats etc., qui comportent une dimension importante de solidarité. Et d’un autre côté, des investissements plus classiques (mais gérés de façon éthique), avec un mécanisme d’affectation partielle du résultat à la solidarité : en général, une partie des revenus est donnée à une ou des œuvres définies à l’avance. Ainsi le fonds Proclero. Les deux formules sont bonnes, mais différentes. Mais cela n’efface pas le besoin de préoccupation éthique dans les investissements classiques, qui sont mon sujet ici.

Investissement et marchés financiers

Une autre considération vise l’intervention même sur les marchés financiers. Car l’investisseur, ou celui qui gère ses fonds, doit intervenir sur les marchés. Au-delà de la régulation, ce qui importe est le jugement prudentiel et moral des opérateurs et des investisseurs ; leurs choix façonnent la réalité des marchés, dont les résultats dépendent fortement des valeurs et fonctionnements collectifs. Comme on sait, le marché financier joue un rôle essentiel dans le placement et l’orientation de l’épargne, et donc comme lieu où s’échangent des signaux, ce qui implique une forme de responsabilité. Tout ordre passé sur un marché est en même temps un signal, un message, qui oriente l’action des agents économiques dans un sens ou un autre. Il est donc vital d’envoyer au marché financier les meilleurs messages possibles pour une orientation optimale des ressources financières. Et ici l’investisseur est directement impliqué.

 

On n’évoquera pas ici en détails ce qu’on pourrait appeler l’éthique des marchés - que j’ai aussi développée par ailleurs (voir www.pierredelauzun.com/Qu-est-ce-qu-un-bon-marche.html ), en soulignant le besoin évident d’une révision profonde de leur fonctionnement y compris au niveau des acteurs (mais aussi dans la réglementation et la législation). Elle devrait inclure des principes comme la recherche par les participants du prix le plus juste, impliquant le refus de nourrir les bulles financières ; ce qui implique de s’abstenir de la spéculation comprise comme un jeu sur les fluctuations irrationnelles des marchés. Ce souci éthique implique aussi de reconnaître la valeur d’un investissement sur la longue durée (impliquant un actionnariat stable), notamment parce que cela comporte une vraie connaissance de l’entreprise, une participation active à sa gouvernance, une solidarité sur la durée etc., et bien sûr un rôle actif et responsable, engagé, des actionnaires. Sachant qu’il faut admettre aussi que la sortie, la vente des titres reste possible, notamment s’il y a besoin, urgence ou impossibilité de se faire entendre de la direction, ou découverte de comportements jugés condamnables. Mais ce peut être le cas aussi si le prix (le cours) est irrationnel, notamment à la hausse. On pourrait objecter ici que chaque investisseur est petit par rapport au marché, ou face aux gros joueurs ; l’épargnant de base pèse alors très peu. Mais outre que le souci moral n’en subsiste pas moins, agir reste possible. D’abord en combinant les efforts. Ensuite, en se rappelant que le marché est très sensible, et qu’il n’est pas besoin d’être un acteur dominant pour le faire bouger.

 

Reste la question des actifs financiers non cotés, donc échappant aux marchés. En soi, ils ne sont ni meilleurs ni pires ; l’influence des investisseurs sur l’orientation des entreprises correspondantes peut selon les cas être plus grande ou plus petite. Cela dit, outre le risque proprement financier venant de l’absence de liquidité, qui fait qu’on peut rester collé comme on dit quand on a besoin de l’argent ou qu’on n’est plus d’accord, un des défauts de ces actifs est justement de ne pas être sur la place publique. Le risque est alors d’une baisse relative des standards, financiers mais surtout éthiques, et concomitamment d’une réduction sensible de l’information disponible. Les titres non-cotés relèvent en tout cas de la même problématique éthique que les autres, tout en demandant une vigilance accrue.

Orienter les entreprises

L’objet de l’investissement, ce sont en général des entreprises. On considère ici l’entreprise comme une communauté d’hommes, certes spécialisée et imparfaite, mais dont les objectifs et missions dépassent largement son seul résultat financier. Il en résulte qu’une responsabilité majeure incombe à celui qui est son propriétaire, l’actionnaire. On l’a dit aussi, c’est pour le chrétien le propriétaire qui est justiciable de la règle de destination universelle des biens, qui doit ordonner l’exercice de toute propriété privée. Même si les positions éthiques qui guident aujourd’hui le débat sur la responsabilité sociale de l’entreprise ne sont pas toutes acceptables, c’est un fait que se répand toujours plus la conviction selon laquelle comme dit Benoît XVI « la gestion de l’entreprise ne peut pas tenir compte des intérêts de ses seuls propriétaires, mais aussi de ceux de toutes les autres catégories de sujets qui contribuent à la vie de l’entreprise : les travailleurs, les clients, les fournisseurs des divers éléments de la production, les communautés humaines qui en dépendent ». Mais les responsables ultimes ce sont les propriétaires. Y compris donc de ce souci. Certes, comme je l’ai évoqué dans d’autres articles, il y a d’autres modèles de propriété des entreprises et d’autres modèles d’entreprises. Mais il y a toujours quelqu’un celui qui décide en dernière analyse, et comme on l’a vu c’est lui le ‘propriétaire’ au sens large, celui à qui incombe ce devoir. Certes, très souvent ils délèguent ce rôle à des professionnels de la gestion. Mais ces derniers travaillent sur la base des instructions qu’ils reçoivent (ou du mode de gestion qu’ils ont proposé dans la description de leurs produits). De même, les entreprises ont des dirigeants, mais eux aussi sont dépendants des priorités des actionnaires.

 

Les priorités que se définissent les propriétaires, donc les investisseurs sont donc décisives pour l’orientation du marché et par là des entreprises. Comme on sait, cette gestion collective est aujourd’hui largement court-termiste, au vu de ses ‘benchmarks’ ou étalonnages, indexés sur les seuls cours de bourse. Ce qui constitue une véritable aberration. Inversement, cela donne par contraste une importance centrale à l’investissement socialement responsable, ou éthique. Il en résulte qu’il doit être une priorité pour tout homme de bonne volonté ; en fait, ce devrait logiquement être la seule forme d’investissement. Cela vaut également lorsque par d’autres organisation de la propriété, les prioritaires sont les salariés comme dans une coopérative, les clients comme dans le mutualisme, et dans tout type d’organisation. La responsabilité du propriétaire reste dans son principe la même. Naturellement aussi, autant qu’aux propriétaires, les principes qu’on va évoquer s’appliquent mutatis mutandis aux personnes qu’ils mettent à la tête de l’entreprise, c’est-à-dire ses dirigeants ; et à toute personne exerçant une certaine responsabilité à son niveau.

 

Rappelons néanmoins qu’il serait erroné de faire des seules entreprises le support unique de l’amélioration de la vie économique et plus largement de la société. La fonction de l’entreprise est par nature limitée, et consiste notamment dans l’élaboration, la proposition et la vente de biens et services en faisant un profit ou en tout cas sans perte. La société est un enjeu bien plus large, qui concerne beaucoup d’autres acteurs, associatifs, particuliers et bien évidemment les décideurs politiques. Un risque est en outre de voir des activistes se concentrer sur des points spécifiques qui leur tiennent à cœur, éventuellement extérieurs à l’entreprise, et de gauchir par là le choix de priorités. L’enfer est pavé de bonnes intentions, ou supposées telles.

Les moyens pour agir : comment se pose la question 

Comment s’organiser ? Il y a d’emblée deux grandes voies pour l’investisseur : l’une est la gestion directe, l’autre à travers un gestionnaire et notamment à travers des fonds existants. Cela va dépendre évidemment de l’ampleur des sommes à gérer. Mais dans tous les cas, un point essentiel est à noter : il y a un intérêt majeur, voire une nécessité, au regroupement des forces, et donc à la coopération la plus large entre fonds ou gestionnaires inspirés par les mêmes principes. Soit par rapprochement, notamment des gestionnaires, soit par action commune, soit par échange de principes et de méthodes. Un deuxième point essentiel est de susciter ou encourager des opérateurs spécialisés à orientation éthique, ou au minimum un souci en ce sens d’opérateurs existants, et cela à tous les niveaux : gérants, analystes, agences de notation, services aux investisseurs etc. Ce qui apparaît en tout cas est la nécessité d’avoir un plan d’action. Il est très important de se rappeler qu’il ne s’agit pas seulement de gérer, d’acheter et de vendre, mais aussi d’orienter à son niveau l’action des entreprises. Ce qui implique autant que possible un engagement direct avec elles.

 

Ajoutons que la logique de ces actions paraît incompatible avec la forme de gestion actuellement tendanciellement dominante, qui est la gestion passive. Elle consiste comme on sait à se borner à dupliquer un indice, en général un indice assez large de marché, ou sectoriel (ETFs). Cela permet des frais plus bas que la gestion active, et donc en moyenne un résultat meilleur. Mais outre que c’est en général peu compatible avec une gestion éthique, c’est une forme d’irresponsabilité à l’égard de la logique du marché, lequel n’est déterminé que par la gestion active ; c’est une attitude de passager clandestin (free-rider) peu éthique en elle-même, sauf évidemment besoin ou situation particulière.  Et c’est incompatible avec un rôle actif de l’actionnaire, par exemple en assemblée générale.

Les actions à mener

Dans le cas idéal, le plan d’action d’un investisseur éthique se décline ainsi :

 

Intégration des exigences éthiques dans son analyse, ses processus de décision, et sa mise en œuvre.  Ce qui veut dire y allouer du temps et des ressources ; suivre les développements sur le marché (les nouveaux produits) ; si le gérant est extérieur, le surveiller et dialoguer avec lui ; et demander la prise en compte de ces considérations éthiques aux fournisseurs à tous les niveaux.

 

Mise en œuvre. Il s’agit de chercher l’information, aller au contact, soutenir les initiatives des actionnaires allant dans le bon sens ; demander l’information non disponible (ce qui est souvent le cas pour ce qui intéresse l’investissement éthique) ; exercer activement ses droits de vote.

 

Contact avec les entreprises : c’est un point essentiel, un investisseur est un partenaire, et non pas un juge.

 

Promotion des exigences éthiques. Cela comporte l’aide entre institutions à souci proche ; les demandes en ce sens aux fournisseurs ; l’aide à la formation.

 

Communication. Il faut ici suivre la politique qu’on a arrêtée dans les organes de décision ; communiquer dessus ; communiquer avec les bénéficiaires ; et revoir régulièrement la politique suivie.

 

Lutte contre les actions parasites. Je range ici les campagnes menées par des groupes de pression, éventuellement idéologiques, pour faire plier les entreprises dans un sens trop partiel ou contestable. Paradoxalement le développement du souci éthique augmente dangereusement cette sorte de pollution.

 

Naturellement, la plupart des investisseurs ne sont pas en état d’assumer ces différentes actions. D’où à nouveau le double besoin de fédérer les forces et de susciter des opérateurs spécialisés. Ce besoin est particulièrement important sur une question clef évoquée à plusieurs reprises : l’information. Il faut insister sur ce point. L’information actuellement disponible est en effet d’abord et essentiellement financière ; elle est comme telle indispensable. Mais la logique de l’investissement éthique implique la prise en compte de plusieurs autres critères majeurs, ce qui implique de savoir ce qui se passe. Or les données correspondantes ne sont souvent non seulement pas disponibles publiquement, mais pas mêmes élaborées par l’entreprise elle-même – même si la loi exige de fournir certaines données dans des domaines comme l’environnement, ou le social au sens étroit, et que la conscience de ce besoin est croissante. Sachant que le dialogue direct avec les entreprises peut donner des réponses. C’est peut-être un des domaines où l’effort qu’il faudra collectivement fournir est le plus important. Notamment dans la perspective éthique, dont la logique est ambitieuse en la matière, et donc a des besoins spécifiques. Le besoin de coopération doit dès lors y être particulièrement important.

 

Un autre point à souligner est la modification sensible du rôle qu’on attendra des gestionnaires professionnels. Actuellement le rôle d’actionnaire actif est relativement secondaire dans leurs priorités ; alors que l’analyse menée ici montre que ce devrait au contraire être essentiel. Ce qui suppose entre autres une réallocation de moyens importante. Et soit l’élimination des autres, soit leur pénalisation.

 

Les méthodes

 

Chaque investisseur, ou chaque gestionnaire, doit développer ses propres méthodes. Parmi les méthodes classiques de gestion éthique au sens large, on évoquera rapidement les suivantes. L’exclusion d’abord est une méthode de sélection très populaire dans le monde anglosaxon, et historiquement la plus ancienne : on établit une liste d’entreprises, d’activités ou de fonds qu’on exclut du champ des possibles parce qu’ils ne respectent pas tel ou tel critère - parfois avec une zone grise. Par exemple une activité polluante, ou le travail des enfants chez des sous-traitants. Ce n’est pas toujours simple de la mettre en pratique, notamment dans le cas de grandes entreprises multi-activités. Ou si l’activité considérée est un mélange de bon et de mauvais. D’où alors l’importance de définir des seuils de pertinence. Cela peut et doit aussi s’accompagner d’un dialogue avec les entreprises qui se situent à la limite, pour tenter d’orienter leur action. Ethiquement cela correspond bien à certaines exigences mieux qu’à d’autres : lorsqu’on a clairement identifié comme mauvaise ou bonne une activité, ou des produits.

 

La sélection des meilleurs de la classe ou “best in class” ensuite consiste à sélectionner dans chaque sous-ensemble de valeurs mobilières qu’on a déterminé celle qui est la meilleure selon les critères retenus, par exemple sous l’angle écologique, et/ou on élimine les moins bonnes. L’avantage est de se baser de façon pratique sur la réalité du marché, et d’exercer une certaine pression – à condition de la communiquer. L’inconvénient est double : d’un côté, on accepte par-là de financer des activités ou des méthodes contestables, parce qu’on n’a pas trouvé mieux. D’un autre côté,  on risque de ne pas faire évoluer des pratiques si elles sont adoptées par toute une branche d’activité.

 

Il reste enfin le choix proactif de certaines activités ou entreprises : dans ce cas, on choisit délibérément telle ou telle préoccupation, tel ou tel secteur ou groupe de secteur, et on investit dans les entreprises correspondant le mieux aux objectifs qu’on s’est donnés. L’avantage est de viser positivement ce qu’on veut favoriser. L’inconvénient est de restreindre l’univers des choix possibles. Cela rend aussi moins pertinente la référence à des étalonnages de marchés (‘benchmarks’ ou indices). Cela suppose en outre une méthodologie robuste et transparente, avec une intention claire, et une mesure d’impact de performance sociale ou environnementale. Cela peut cependant aller d’une méthode suivie pour orienter des investissements classiques (de type boursier) à une action plus directe, dans la ligne de ce qu’on appelle l’investissement à impact, “impact investing strategies”, qui se porte d’ailleurs souvent sur du non-coté. Cela vise notamment des secteurs jugés urgents : l’agriculture durable, les énergies renouvelables, la conservation de la nature, la microfinance, ou la fourniture de besoins de base accessibles (logement, santé, éducation). Pas plus que les autres stratégies, cela n’exclut pas qu’il y ait un objectif de rendement ; mais il peut être en dessous du marché, ou ajusté au risque (par comparaison avec des produits existants classiques, venture capital, private equity etc.). 

 

Notons qu’une certaine combinaison de ces diverses méthodes est non seulement concevable, mais dans une certaine mesure nécessaire.

Conclusion 

En définitive, à nouveau, sur le plan des principes l’investissement socialement responsable est le seul investissement justifiable, s’il est compris dans son sens éthique plein, qui l’oriente au bien commun. Bien entendu, un tel élargissement des perspectives donne le vertige. Au minimum, il implique des outils considérables, d’analyse, de collecte d’information, et d’action collective ; puis la création d’instruments de gestion collective s’en inspirant. Beaucoup de progrès sont encore à réaliser, et nous n’en sommes qu’au tout début. En outre, on ne peut tout faire, et il faut tenir compte des réalités, notamment de la vie de l’entreprise. Un travail considérable s’impose donc; et ce travail est nécessairement collectif. Mais justement, il n’y a lieu ni de s’en effrayer, ni de culpabiliser. Un tel travail se déroulera sur la base de l’action capillaire de personnes nombreuses, chacune agissant là où elle peut, comme elle peut. C’est même la caractéristique d’un société libre et décentralisée.

 

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