Blog de l'AEC, Association des Économistes Catholiques
Cherchant pourquoi les pouvoirs publics français acceptent, et même organisent, un tel gaspillage, je formulais une hypothèse : « Les cotisations perçues par les complémentaires sont soumises à une taxe, c’est peut-être ce qui explique pourquoi les pouvoirs publics acceptent cette duplication ridicule des procédures, et donc des frais, d’assurance santé. » Et je proposais une solution : « La Sécu pourrait fort bien porter ses prises en charge au niveau atteint aujourd’hui par la superposition de deux assurances. »
Je faisais remarquer que la suppression de cette duplication de procédures, duplication terriblement coûteuse pour les finances publiques, ferait très sensiblement baisser les frais de gestion. Il en résulterait aussi un avantage pour les assurés sociaux, qui n’auraient qu’une démarche à accomplir au lieu de deux. Le taux des cotisations maladie (Sécu plus complémentaire) pourrait donc légèrement diminuer, et « des milliers de personnes seraient rendues disponibles pour réaliser une production supplémentaire – par exemple développer une politique de prévention et de maintien ou remise en forme. » Je poursuivais en évoquant évidemment les problèmes posés par une telle réorganisation : simplifier est souvent … compliqué dans l’immédiat. C’est un investissement très rentable, mais le mot « investissement » indique bien que, pour commencer, il faut engager certains frais. Les économies, substantielles, viennent ensuite.
Allons un peu plus loin : pourquoi se limiter à l’assurance maladie ? La retraite fait, elle aussi, dans le gaspillage, scindée qu’elle est, pour la majorité de nos concitoyens, entre une pension de la Sécu et une ou plusieurs pensions versées par des caisses dites « complémentaires » qui fonctionnent en répartition, comme la retraite de la Sécu, mais avec une petite dose de capitalisation. La plupart des Français relèvent d’au moins deux caisses de retraite par répartition – la moyenne est proche de trois. Là encore, la division par deux, voire un peu plus, des frais de gestion, obtenue en remplaçant deux ou trois pensions par une seule, contribuerait à diminuer les difficultés financières actuelles.
Certes, ce genre de réforme présente une difficulté : réaliser des reconversions professionnelles. Mais c’est quelque chose que nous faisons sans cesse : dans le secteur privé, des entreprises diminuent leur activité, voire même disparaissent, tandis que d’autres se créent et grandissent. Regardons la révolution agricole qui s’est produite au XXe siècle : certes, des millions d’emplois ont disparu dans ce secteur, mais parallèlement des millions d’autres emplois, d’abord industriels, puis tertiaires, ont été créés. Les services n’auraient jamais pu se développer comme ils l’ont fait si de formidables gains de productivité n’avaient pas été réalisés dans l’agriculture, puis dans l’industrie.
Nous aurions tout avantage à rompre avec la dispendieuse propension des pouvoirs publics français à faire compliqué ! Et le domaine de la protection sociale n’est pas le seul à constituer un domaine où d’importantes simplifications généreraient d’agréables économies. La Cour des comptes dénonce régulièrement le maintien de petits impôts qui ne rapportent guère plus que ce que coûte leur calcul et leur prélèvement, si l’on additionne (comme il se doit) les frais de l’administration et ceux des contribuables. Pourquoi ne pas faire le ménage parmi les taxes, en supprimant toutes celles dont la gestion est trop onéreuse ?
La pandémie actuelle a fourni l’occasion de voir combien nos hôpitaux, alourdis par la tutelle administrative qui pèse sur leur organisation et leur gestion, actuellement conçues d’une manière qui exige un maximum de personnel en sus des soignants, ont besoin de souplesse. Le livre Hôpital, ce qu’on ne vous a jamais dit, cri du cœur et du bon sens d’un médecin hospitalier, le professeur Peyromaure, est un témoignage poignant.
En matière fiscale, le recouvrement de l’impôt pourrait également être organisé de manière plus simple, plus efficace, et moins dispendieuse. Le livre Impôts, le grand désordre, de mes collègues Levy-Garboua et Maareck, montre clairement combien sont nocives la complexité et l’instabilité de notre système fiscal – sans compter la lourdeur du prélèvement global, excessif au vu des réalisations. Il est temps de prendre conscience de toute cette gabegie, et d’améliorer la gestion de notre pays.