Blog de l'AEC, Association des Économistes Catholiques
2/ Les facteurs d’émergence du capitalisme industriel en Europe
Dino Rapondi, un des banquiers lombards les plus emblématiques (+1415)_ Dessin de Jean Piron, 1726- Sainte Chapelle de Dijon.
2.1 Rodney Stark («The Victory of Reason, How Christianity Led to Freedom, Capitalism and Western Success», Random House 2006) est catégorique : oui, le triomphe la Raison et du capitalisme occidental, ainsi que la disparition de l’esclavage, sont bel et bien été rendus possibles par le christianisme et par nulle autre religion ou culture. Il n’y a pas lieu d’en tirer une quelconque gloire mais c’est un fait.On peut imaginer qu’un René Girard aurait abondé dans ce sens. Richard Henry Tawney dans «Religion and the rise of capitalism »,1926 (Transaction Publisher, 2008) ne cherche pas d’explications à l’essor du capitalisme en-dehors des influences catholique et protestantes, principalement autour de la question de l’usure.
Stark affirme que le capitalisme s’est développé pour quatre raisons principales, associées à la «victoire de la raison» :
- Le développement de la foi dans le cadre de la théologie chrétienne, qui est également une méthode de pensée,
- les innovations techniques et organisationnelles, sous l’influence des monastères notamment,
- l’apparition d’états respectueux d’une certaine liberté, sous l’influence de la philosophie politique chrétienne,
- l’application de la raison au commerce.
Le christianisme a aussi favorisé une certaine conception de l’individualisme, favorable à l’esprit d’entreprise, de responsabilité et au développement du capitalisme. La défense de la propriété privée (soumise à la destination universelle des biens et conçue comme une gérance) a également été un élément déterminant.
Stark conclut :«Sans une théologie basée sur la raison, le progrès [au sens amélioration, augmentation], l’égalité morale de tous, le monde entier en serait où en étaient les sociétés non-Européenne en 1800 : beaucoup d’astrologues et d’alchimistes.»
2.2 D’autres auteurs, comme Jean Baechler, préfèrent voir la démocratie moderne comme cause principale de l’essor du capitalisme.
« Nous avons pu démontrer qu’un régime économique purement démocratique instaurerait une économie de propriété, de marché et d’entreprise… Laisser les citoyens libres d’entreprendre et les récompenser par le profit de leurs entreprises, ce serait encourager des innovations permanentes et perpétuelles, et garantir un développement économique sans fin… Ainsi peut être posée l’équation : «économie démocratique» = «économie capitaliste» = «économie chrématistique de développement indéfini». Jean Baechler résume ainsi sa thèse, qu’il qualifie de démonstration :
- le caractère spécifique du capitalisme est la recherche privilégiée de l’efficacité économique ;
- la condition première de la maximisation de l’efficacité économique est la libération de la société civile par rapport à l’Etat ;
- cette condition est remplie lorsqu’une aire culturelle est divisée en plusieurs unités politiques souveraines ;
- pour que ces virtualités donnent toutes leurs conséquences, il faut aussi que le système des valeurs se modifie au détriment des valeurs religieuses, militaires et politiques et que les besoins soient libérés ;
- seul l’Occident a connu une évolution qui a tendu à remplir toutes ces conditions : l’ordre féodal issu de la décadence des provinces occidentales issues de l’Empire romain ignorait les échanges ; lorsque ceux-ci ont réapparu, ils ont produit un être original : le bourgeois, voué aux tâches économiques et dépourvu de toute légitimité. L’absence d’un ordre politique européen a entraîné l’anarchie du marché et l’impossibilité de créer un ordre économique. La dévalorisation des fonctions religieuses, politiques et militaires a concentré les énergies sur les activités économiques. Enfin la destruction des genres de vie a libéré les besoins et produit le consommateur moderne.
2.3 Ellen Meiksins Wood («L’origine du capitalisme, une étude approfondie», 2002, Lux Humanités 2009) préférera la trouver (selon une approche plutôt marxienne) dans des conditions particulières de l’ordre des rapports sociaux, propre à l’Occident ; elle affirme que le capitalisme n’a jamais existé «à l’état latent» avant qu’un phénomène historique de maturation ne rende possible son essor. Le capitalisme est pour elle un fruit de la modernité.
Cet auteur considère que le facteur décisif par lequel le capitalisme s’implanta dans telle société commerçante [l’Occident en l’occurrence] plutôt que dans les autres, fut le développement de certains rapports sociaux de propriété, qui forgèrent les impératifs du marché et les mécanismes propres au capitalisme, avant qu’ils ne s’imposent d’eux-mêmes à toute la production… La concurrence capitaliste exige qu’on transforme [en permanence] le mode de production… La recherche de profit était une activité courante et très développée, mais elle ne reposait pas sur une «production rentable». Sur ce dernier point sa position diffère de celle d’un Karl Polanyi («La Grande Transformation», 1944, Tel Gallimard 1983) , mais elle le rejoint sur l’idée que le capitalisme moderne n’est pas nécessairement l’actualisation d’un capitalisme latent et empêché dans les époques précédentes.
La création de charges publiques pour gérer et taxer les échanges a favorisé l’émergence du capitalisme. Aristocrates et bourgeois rivalisaient pour obtenir ces charges, fort intéressantes pécuniairement (cf. Fermiers généraux). Elles conduisirent à la désappropriation de fait des producteurs.
Wood met en cause l’équation «bourgeois= capitaliste». Elle avance que c’est plutôt le phénomène révolutionnaire qui, en modifiant les modes de propriété et la nature de l’Etat, a favorisé l’essor du capitalisme. La « révolution bourgeoise » est pour elle davantage une conséquence qu’une cause du capitalisme. Pour elle, la révolution anglaise (XVIIIème siècle, donc elle parle de la révolution industrielle) est survenue parce que des rapports sociaux de propriété capitaliste étaient déjà implantés, qu’une classe dominante capitaliste entendait supprimer les obstacles imposés par l’Etat et soumettre à ses impératifs les classes laborieuses. En France, la révolution de 1789 eut lieu toujours selon Wood parce que des aspirants capitalistes voulaient l’emporter sur une classe dominante non-capitaliste.
2.4 Henri Sée («Les origines du capitalisme moderne», Armand Collin (sic) 1926) semble pencher pour une évolution continue rendue possible par la levée de l’interdit sur l’usure et le prêt à intérêt. Il note entre autres :
«La société capitaliste ne pouvait naître que de l’accumulation de capitaux. Le prêt à intérêt [qui a également contribué à l’accumulation de capitaux] peut être considéré comme une des sources du capitalisme. La doctrine de Calvin (outre l’action des Lombards et des Juifs [sans parler des Cahorsins moins bien connus]), qui conforte le prêt à intérêt, s’oppose absolument à la doctrine catholique sur ce sujet».
Les besoins des Etats (économie, guerre, train de vie, relations internationales, infrastructures…) ont soutenu le développement du capitalisme financier et industriel.
Henri Sée considère qu’en 1848 le capitalisme industriel est loin d’avoir atteint son régime de croisière. Il faudra encore la transformation des moyens de communication (train notamment).
2.5
Henri Pirenne, dans son «Histoire économique et sociale du Moyen-Age» (PUF,1963) : «Que le capitalisme s’affirme dès le XIIème siècle, nos sources, si insuffisantes qu’elles soient, ne permettent pas d’en douter. L’esprit [qui anime un Godric de Finchal -ancien pilleur d’épaves, devenu homme d’affaires opulent-] est dans toute la force du terme l’esprit des capitalistes de tous les temps. Il raisonne, il calcule, et le seul but qu’il se propose est l’accumulation des bénéfices.»
2.6 Ludwig Von Mises, dans « Politique économique, réflexions pour aujourd’hui et pour demain, Institut économique de Paris », 1986 (texte original 1958) : «Le développement du capitalisme tient à ce que tout un chacun a le droit de servir le consommateur de meilleure façon et (ou) à meilleur marché.»
2.7 Schumpeter (Capitalisme, Socialisme et Démocratie, 1942, Payot 1946 - 12. Les murs s'effritent, 2. La destruction des couches protectrices) : « L'évolution capitaliste fait disparaître, non seulement le Roi par la Grâce de Dieu, mais encore les remparts politiques qui, s'ils avaient pu être tenus, auraient été constitués par le village et par la guilde artisanale. Bien entendu, aucune de ces deux institutions n'aurait pu être maintenue dans la forme exacte où le capitalisme les a trouvées. Toutefois, les politiques capitalistes ont poussé leur destruction beaucoup plus loin qu'il n'était nécessaire... Elles ont imposé au paysan tous les bienfaits du libéralisme primitif... et toute la corde individualiste qu'il lui fallait pour se pendre.
« En brisant le cadre précapitaliste de la société, le capitalisme a donc rompu, non seulement les barrières qui gênaient ses progrès, mais encore les arcs-boutants qui l'empêchaient de s'effondrer. Ce processus de destruction, impressionnant par son caractère de fatalité inexorable, n'a pas consisté seulement à émonder le bois mort institutionnel, mais aussi à éliminer ces partenaires de la classe capitaliste dont la symbiose avec elle était un élément essentiel de l'équilibre du capitalisme...
« Cette symbiose des classes, je suis porté à la considérer comme la règle, et non comme l'exception... Tout au moins cette règle a-t-elle joué pendant six mille ans, c'est-à-dire à partir du jour où les premiers laboureurs sont devenus les sujets des cavaliers nomades... »
2.8 Il est intéressant de noter que Max Weber dans «L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme» considère à la suite de Goethe que la division du temps en unités égales, pouvant servir de base au calcul de la rentabilité, est un des facteurs-clés du développement du capitalisme[1]. Il établit un lien entre fractionnement du temps monastique et division économique du temps. Cette division brise le flux du temps naturel et cyclique, qu’il considère comme propre à la « mentalité traditionnaliste ». Weber oppose en effet esprit traditionnaliste (au sens guénonien du terme, visiblement) et esprit capitaliste.
Pour Weber, le capitalisme présuppose :
- une appropriation de tous les moyens matériels de production par des entreprises lucratives autonomes privées qui en ont la libre jouissance
- la liberté du marché
- une technique rationnelle
- un droit rationnel
- le travail libre.
Rejoignant en cela Girard et Stark, il affirme : «Hors des régions où le christianisme est en vigueur, la domination de la magie est […] l’un des freins les plus puissants à la rationalisation de la vie économique. La magie implique une attitude stéréotypée face à la technique et à l’économie.»
Le même Max Weber, dans son «Histoire Economique, esquisse d’une histoire universelle de l’économie et de la société», 1923, (Gallimard NRF, Bibliothèque des sciences humaines, 1991) distingue les grandes phases suivantes dans l’histoire de l’économie :
- unité domestique, clan, village, seigneurie (régime agraire)
- la seigneurie pré-capitaliste (régime agraire)
- l’organisation du commerce, des banques pré-capitalistes
- l’organisation de l’industrie et de la mine
- l’artisanat corporatif
- de l’atelier à la fabrique
Naissance du capitalisme moderne aux XVIème et XVIIème siècles
-spéculation, commerce de gros, développement des moyens de transports, industrie lucrative
- développement de la bourgeoisie
- l’Etat rationnel.
2.9 On ne peut omettre dans ce rapide tour d’horizon des points de vue sur les tenants et aboutissants du capitalisme, un Karl Polanyi : «La Grande Transformation», 1944, Tel Gallimard 1983. Même si Polanyi s’intéresse plus au marché qu’au capitalisme proprement dit, et sous un angle social plus que purement économique. A l’issue de la 2ème Guerre mondiale, il dresse l’avis de décès du capitalisme libéral, le marché étant incapable de se réguler lui-même, et fait le procès de la «haute finance» apatride. Il conclut son ouvrage avec optimisme en espérant que « la fin de l’économie de marché peut devenir le début d’une ère de liberté sans précédent…L’économie libérale a imprimé une fausse direction à nos idéaux [concernant la liberté]… Débarrassés de l’utopie du marché, nous voici face à face avec la réalité de la société. C’est la ligne de partage entre libéralisme d’une part, le fascisme et le socialisme de l’autre.»
Notons au passage que Polanyi reprend une critique du christianisme due à Robert Owen, selon lequel « les Evangiles ignoraient la réalité de la société. C’est ce qu’il appelait «l’individualisation» de l’homme selon le christianisme… Owen reconnaissait que la liberté que nous avons acquise par les enseignements de Jésus-Christ était inapplicable dans une société complexe.» Nous espérons dans le prochain paragraphe montrer aisément qu’Owen ne connaissait pas (bien) le catholicisme et la doctrine sociale de l’Eglise.
2.10 Laurence Fontaine, dans «Le marché, histoire et usage d’une conquête sociale», NRF Essais Gallimard 2014 : «Brider le capitalisme : parce que le prêt à intérêt est le moteur du capitalisme, les trois grandes religions monothéistes l’ont condamné».
2.11 Une controverse domine ce sujet : le capitalisme a-t-il toujours existé, de façon latente ou larvée, ou bien est-il apparu lorsque les conditions sociales et techniques ont permis l’accumulation massive de capitaux d’une part, une productivité décuplée et une production de masse d’autre part ? Toujours est-il que le capitalisme industriel (et non seulement marchand ni financier) est un fait, apparu à partir du XVIIème siècle, fait sur lequel il a bien fallu mettre un nom.
2.12 Quelques points de repère dans l’histoire du capitalisme
NOTA : cette énumération très lacunaire ne prétend pas à l’exhaustivité mais rappelle quelques jalons de l’histoire économique de l’Occident et du capitalisme. Elle permet d’identifier des phases dans l’émergence du capitalisme industriel moderne, sur lesquelles la plupart des auteurs sont d’accord. On trouvera dans Lewis Mumford («Technique et Civilisation, Seuil,1950) une chronologie détaillée et complète jusqu’à 1945.
v Disparition progressive de l’esclavage en Occident sous l’influence de l’Eglise dans les 10 premiers siècles.
v Les conciles de Lyon (1274) et de Vienne (1312) marquent le sommet de la condamnation de l’usure par l’Eglise. Entre 1280 et 1300, l’école franciscaine de Pierre de Jean Olivi à Duns Scot, se penchera sur la question de la valeur du travail…la valeur des individus et la signification économique des professions. Ces développements de la doctrine économique durent jusqu’à Latran 1515.
v XIIIème siècle : œuvres des scolastiques sur l’économie (notamment saint Thomas d’Aquin) : place d’économie dans la vie sociale et morale, justice sociale, juste prix, offre et demande, usure et ses exceptions etc.
v Passage de la société féodale (jusqu’au XIIIème siècle) à la société monarchique centralisée (XVème siècle avec Louis XI, Charles VIII, Louis XII puis apogée avec Louis XIV).
v 23 novembre 1314 : mort de Philippe IV le Bel, surnommé par Boniface VIII «le roi faux-monnayeur», spoliateur des Templiers et des Juifs, responsable de l’attente d’Anagni contre ledit pape.
v 1415 : mort de Dino Rapondi, banquier lombard des plus emblématiques, dont Jean sans Peur et Philippe le Bon furent les obligés. Charles le Téméraire eut aussi largement recours aux Lombards.
v Jacques Cœur (vers 1395/1400, Bourges – 25 novembre 1456, île de Chios) : marchand, négociant, banquier et armateur. Il fut le premier Français à établir et entretenir des relations commerciales suivies avec les pays du Levant.
v Jakob Fugger dit le Riche (6 mars 1459, 30 décembre 1525) est le banquier le plus célèbre de la famille Fugger. Du temps de son vivant, il devient l'homme le plus riche d'Europe
v XVème siècle, après 1450 : reprise générale de l’économie au bénéfice des grandes villes, après les grandes pestes : boutiques d’artisans, marchés urbains. Au XVème siècle, c’est Bernardin de Sienne la grande figure de la doctrine économique franciscaine, accompagné par Jean de Capistran contemporain de la fondation par les Franciscains des «monts de piété» dans les dernières décennies du XVème siècle.
v 1494 : publication à Venise du «Tractatus XI particularis de computibus et scripturis» de Luca Pacioli, codifiant la comptabilité en partie double déjà largement pratiquée (remonterait aux Sumériens ou aux Egyptiens ?) Cette pratique est structurante pour le développement de la gestion d’entreprise.
v XVIème siècle :
- apogée des très grandes foires.
- Ecole de Salamanque (Dominicains puis Jésuites) : droit, économie, théologie.
- Création des enclosures en Angleterre (XVIème siècle) avec pour conséquence la misère de petits exploitants agricoles qui constituent un prolétariat disponible pour l’industrie). Produisent leur plein effet au XVIIIème siècle d’après Henri Sée.
- Les sociétés par actions apparaissent en 1553 (Merchant adventurers de la Compagnie de la Moscovie : 240 actions de 25 livres sterling). Auparavant existaient les sociétés en commandite (limited partnerships anglaises) ou les sociétés d’associés. En France, les sociétés par actions sont utilisées de façon plus ou moins massive dans la draperie, l’industrie cotonnière, les mines…La commandite est également très utilisée.
- 1558 : création du Stock Exchange de Londres (en rivalité avec Anvers).
- Calvin remet en cause la doctrine catholique de l’usure et apporte une caution au prêt à intérêt (première moitié du XVIème siècle).
v XVIIème siècle : Bourses, places marchandes continues.
v XVIIIème siècle :
- 1709 : Banqueroute de Samuel Bernard, Paris ravit à Lyon la place de « centre économique du marché français » (Braudel). Réorganisation de la Bourse de Paris en 1724.
- Système de John Law (de Lauriston) : 1715-1720
- Amplification des activités des bourses (Londres, Amsterdam…) et développement en Angleterre du « private market » parallèlement au « public market ».
- Vix pervenit de Benoît XIV en 1745 (sur les contrats et l’usure)
- (R)évolution industrielle en Angleterre (et en Wallonie) : dernier tiers du XVIIIème siècle.
- Décret d’Allarde (2 et 17 mars 1791) et Loi Le Chapelier (14 juin 1791) : suppression des corporations au prétexte de la liberté d’entreprendre.
v A la fin du XVIIIème siècle sont réunis tous les éléments d’un capitalisme efficace et puissant : Influence de Calvin libérant le prêt à intérêt, influence de Descartes sur le rationalisme et le mécanisme, influence libérale sur les mœurs et l’économie à l’issue de la Révolution (notamment française).
v XIXème siècle :
- (R)évolution industrielle en France : milieu du XIXème siècle puis début du XXème siècle.
- 1825 : début des crises économiques cycliques
- 1891 : Rerum Novarum de Léon XIII.
v XXème siècle :
- Max Weber (L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme) : 1904-1905
- Grande Dépression de 1929
- Mondialisation accélérée de l’économie après la 2ème Guerre Mondiale
- Accélération exponentielle des innovation techniques
- XXIème siècle :
- Enron (2001), Arthur Andersen (2002), Subprimes & Lehman Brothers (2007-2009)
- Domination outrancière du capitalisme financier et libéral
- Explosion d’Internet et des technologies numériques
- Capitalisme cognitif
- 2005 : Benoît XVI, Caritas in Veritate.
- 2015: François 1er, Laudato Si'
2.13 Tentative de synthèse
On se risquera à dire que les facteurs nécessaires à l’émergence du capitalisme sont les suivants (sans chercher à déterminer s’il existait depuis toujours à l’état latent, sans disposer des conditions et moyens nécessaires à son épanouissement, ou s’il est apparu «fortuitement» seulement quand les conditions ont été réunies):
- l’émancipation de la raison, sous l’effet du catholicisme et notamment de la théologie rationnelle
- paradoxalement, l’émancipation des sociétés de l’autorité de l’Eglise catholique
- la libéralisation du prêt à intérêt notamment sous l’effet du calvinisme ; permettant un changement d’ordre de grandeur dans l’accumulation des capitaux
- l’existence d’un fondement solide hérité du Moyen Age, dans les domaines agraires et techniques, et dans les savoir-faire des métiers (corporations)
- l’essor de la liberté d’entreprendre et du salariat, rendu possible par l’ébranlement puis la disparition des corporations de métiers, qui réunissaient patrons et ouvriers, autour de la table du repas pour commencer, autour des intérêts du métier au-delà
- la libéralisation de la société avec l’apparition des démocraties, l’évolution des rapports sociaux et l’individualisme; la destruction de structures socio-économiques de l’Ancien Régime (notamment les corporations)
- l’émancipation de la bourgeoisie urbaine
- les progrès de la technique et de la science, mis au service de la production et de l’économie, qui ont permis une démultiplication spectaculaire de la productivité et de la production, constituant une véritable rupture
- le développement de la concurrence et la variété des produits proposés aux consommateurs
- les besoins croissants des Etats
- l’Etat «stratège», «actionnaire», «entrepreneur»
- le développement des voies et moyens de communication (chemin de fer notamment).
On ne peut que noter une coïncidence (au minimum) ou un rapport de cause à effet (au maximum) avec la Renaissance, suivie de la Réforme puis de la Révolution (ou plutôt des révolutions européennes, même si la Révolution française est la mère de toutes les révolutions et de tous les totalitarismes). On notera que c’est la Révolution française qui légalisera le prêt à intérêt, par un décret du 3 octobre 1789, autorisant le «prêt d’argent à terme avec stipulation d’intérêts.»
2.14 Une question récurrente, aussi bien dans la sphère universitaire que dans la sphère religieuse (les deux ont heureusement une intersection, car la raison n’est l’apanage exclusif ni de l’une ni de l’autre !) est de savoir si on peut dissocier l’économique et le politique. Au minimum, l’inférieur doit être aligné sur le supérieur, donc l’économique sur le politique (et le politique sur Dieu). Au-delà, il semblerait que la plupart des auteurs, y compris les papes, estiment qu’on ne peut dissocier les deux et que l’économique est partie intégrante du politique, au service du bien commun.
[1] Voir aussi Lewis Mumford, Technique et Civilisation, pp .22 et sq (Le monastère et L’horloge),Seuil,1950