• Laudato si' : une lecture critique

    Article rédigé par Bruno de Séguins-Pazzis et publié le 22 septembre 2015 dans "Liberté politique"

    Compte-tenu des débats internes au monde chrétien qui ont suivi la publication de Laudato si’, il nous a paru utile de faire connaître sous la forme de tribune une opinion critique de l’encyclique, comme celle que nous publions aujourd’hui et qui n’engage que son auteur [1]. Celle-ci veut s’inscrire dans le cadre d’une disputatio au service de l’Église (cf. À propos de la réception des documents du Magistère et du désaccord public).

    Laudato si’ : une lecture critique

    Intégrité de la foi et écologie intégrale

    TRIBUNE* | L’encyclique du Saint Père François, Laudato si’ « sur la sauvegarde de la maison commune », ne peut que soulever des questions auprès des fidèles catholiques en raison du fait qu’elle s’adresse à tous les hommes et non juste aux fidèles et en raison surtout des positions prises par le pape sur le problème du réchauffement climatique et de l’écologie en général.

    S’agissant d’un document qui n’est pas revêtu de l’infaillibilité pontificale, il n’y aucune obligation d’adhérer à son contenu et à le professer. Il est permis au fidèle catholique de le critiquer. 

    Deux encycliques en une

    Tout d'abord, le document se présente comme s'il y avait deux encycliques dans l'encyclique : l'une constituée de considérations très discutables sur l'écologie, l'économie et la politique, l'autre constituée de considérations et de vérités religieuses sur la création et le respect de la création. Enfin, le document contient vers la fin un texte superbe sur l'Eucharistie qu'on peut qualifier de poème mystique mais dont il n'est pas évident de voir le rapport qu'il présente avec le corpus de l'encyclique. 

    Dans la première « sous-encyclique », qui constitue les deux-tiers ou les trois-quarts du document, le Saint Père prend quasiment partie pour les thèses du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) sur le réchauffement climatique dont la cause principale est, selon ce dernier, l'activité humaine. Le Saint Père affirme également que le Nord a une dette envers le Sud. 

    En accréditant, ou presque, les thèses du GIEC, et en ignorant les thèses inverses, le Saint-Père ne peut mieux faire le lit du développement d'un mondialisme pervers qui entend utiliser la thèse du réchauffement pour tenter d'aboutir à un gouvernement mondial par la mise en place d’un culte rendu à la déesse Terre.

    Pour preuve, il suffit de voir avec quelle précipitation les Nicolas Hulot et autres professionnels de l'écologie se précipitent sur cette encyclique, de voir comment est organisé précipitamment par ce dernier le « Sommet des consciences » qui a réuni le 21 juillet au Conseil économique, social et environnemental, des politiques, des religieux de différentes religions ou assimilées, des scientifiques ou supposés tels : Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations-unies, le président François Hollande, le patriarche œcuménique Bartholomée surnommé le « Patriarche vert » et cité par le Saint Père comme référence dans le début de l’encyclique (8-9),  le cardinal ghanéen Peter Turkson, sans doute dépêché par le Vatican, Sebastiao Salgado, photographe brésilien très « engagé », et le bangladais Muhamad Yunus, prix Nobel de la paix 2006 et surnommé le « banquier des pauvres ». Cette liste est non exhaustive…

    Capitalisme et mondialisme

    En affirmant que le Nord a une dette envers le Sud, le Saint Père porte un jugement fort discutable sur l'ère du colonialisme mais aussi sur le capitalisme. Sur ce dernier point, si le Saint Père critique à juste titre le capitalisme libéral, sauvage et apatride, il oublie de parler du capitalisme raisonné qui répond parfaitement aux « normes » de la doctrine sociale de l'Église. Ce faisant, tout comme en faisant siennes les thèses du GIEC, il lance encore un appel au mondialisme écologique et au culte de la déesse Gaïa. Il faut d'ailleurs rappeler que, si d'habitude une encyclique est destinée aux fidèles catholiques, le Saint Père s'adresse dans celle-ci à tous les êtres humains. Et pour cause... il appelle bien le monde à une « conversion écologique », il affirme que « la maturation d’institutions internationales devient indispensable » !

    Accessoirement, il faut également remarquer de nombreuses ruptures de ton et de style dans la rédaction du document qui montrent, à l'évidence, qu’il a été rédigé à plusieurs mains, plusieurs dont celles de laïcs, sans doute des « scientifiques ». 

    Irréprochables vérités religieuses

    Dans la seconde « sous-encyclique », celle qui traite de la création, du respect de celle-ci, du respect de la vie (avortement, euthanasie) mais qui constitue la plus petite partie du document, les vérités religieuses qui sont exposées sont heureusement irréprochables mais sonnent comme un rappel du catéchisme, ouvrage de base du fidèle. De façon un peu sèche mais très imagée, était-il nécessaire de rédiger une encyclique pour dire à l’homme d’éteindre la lumière lorsqu’il quitte une pièce pour passer dans une autre ? Etait-il nécessaire de rédiger une encyclique pour rappeler aux catholiques de dire le benedicite et les grâces avant et après chaque repas ? Pour un fidèle catholique, nourri des vérités de la foi, l’écologisme intégral que décrit très bien le Saint Père, apparaît comme une évidence.

    On peut également s’étonner que le Saint Père qui explique que « l’idéal n’est pas seulement de passer de l’extérieur à l’intérieur pour découvrir l’action de Dieu dans l’âme, mais aussi d’arriver à le trouver en toute chose » (233) est besoin de se référer à un « maître » du soufisme, Ali al-Khawwâc et de le mettre sur le même plan que saint Bonaventure en citant ce dernier dans la foulée du texte sur le même sujet.

    Ainsi, le peu (en quantité) qui est bon, et même excellent, ne rend-il pas vain l’ensemble, si on veut bien considérer qu’en matière religieuse, bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu — « Le bien provient d’une intégrité, mais en revanche si une partie essentielle d’une chose est mauvaise, l’ensemble est mauvais ».

    Il suffit de constater les réactions positives qui se sont fait entendre dès la sortie du document : Nicolas Hulot qui co-préface avec le cardinal Philippe Barbarin, l’édition française des Editions de l’Emmanuel (« Cette encyclique donne à l’écologie ses lettres de noblesse »), François Hollande (« Àl’heure où la France se prépare à accueillir les négociations climatiques, je tiens à saluer cet appel à l’opinion publique mondiale comme à ses gouvernants. Je forme le vœu que la voix particulière du pape François soit entendue sur tous les continents, au-delà des seuls croyants »), Sergio Mattarella, président de la république italienne (« La nouvelle encyclique Laudato si du pape François est un document de haute portée morale et d’un intérêt culturel et social extraordinaire »), Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations Unies (« Je félicite le pape pour son grand leadership moral et éthique. Nous avons besoin encore plus d’un tel leadership inspiré. Le trouverons-nous au sommet de Paris sur le climat ? »), puis, comme une cerise sur le gâteau, le cardinal Reinhard Marx, président de la Commission des épiscopats de la communauté européenne (« C’est une nouveauté de voir un pape aussi déterminé à engager une action qui influe sur la politique mondiale »…C’est « un signal fort arrivant à point nommé »).

    Enfin comme un coup de massue sur le coin du crâne, Patrick Buckley, lobbyiste à l’ONU pour la Société pour la protection des enfants à naître (SPUC) averti («…l’encyclique appelle, aux numéros 173-175, à renforcer l’action internationale en matière d’environnement, mais oublie en même temps de préparer les catholiques aux conséquences évidentes de cette même action : une recrudescence des tentatives d’imposer encore davantage la contraception et l’avortement aux pays en développement »).

    Des faits préoccupants

    Les choses deviennent encore plus préoccupantes lorsqu’on rapproche de l’encyclique les faits et dires qui suivent :

    -            Le Pr Hans Schellnhuber, conseiller de la chancelière allemande Angela Merkel qui a eu l’occasion de de déclarer à propos du réchauffement climatique « c’est un triomphe pour la science car elle a au moins pu définir quelque chose d’important, c’est-à-dire que l’équilibre de la planète requiert une population de moins d’un milliard de personnes », a été choisi par le Saint-Siège pour présenter l’encyclique à la presse !

    -            Le 28 avril 2015, l’Académie pontificale des Sciences et le Conseil pontifical Justice et Paix organise un symposium sur la dimension morale du changement climatique et du développement durable. À ce symposium, qui se déroule en présence de Ban Ki-moon, actuel secrétaire général des Nations-Unies participent des scientifiques et des représentants des différentes religions du monde, et un certain Jeffrey Sachs. Qui est Jeffrey Sachs ? Wikipédia indique qu’il est un « économiste américain qui dirige et enseigne à l'Institut de la Terre de l'Université Columbia (New York). Il est consultant spécial du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Il est connu pour ses travaux comme consultant économique auprès des gouvernements d'Amérique latine, d'Europe de l'Est, d'ex-Yougoslavie, d'ex-Union soviétique, d’Asie, et d’Afrique. Il a proposé une thérapie de choc (bien qu’il n'apprécie pas personnellement ce terme) comme solution aux crises économiques vécues en Bolivie, en Pologne et en Russie (politique qui aurait provoqué 3.2 millions de victimes en Russie, selon l'UNICEF et l'IRC). Il est aussi connu à travers sa coopération avec des agences internationales sur les thèmes de la réduction de la pauvreté, l’annulation de la dette, et le contrôle épidémiologique – notamment du VIH/SIDA, dans les pays en voie de développement. Il est le seul universitaire à avoir figuré plusieurs fois au classement des personnalités les plus influentes du monde publié par le magazine américain Time Magazine. » Ce que ne dit pas la fiche Wikipédia c’est que Jeffrey Sachs est un farouche partisan du contrôle de la natalité par la mise en œuvre d’une politique de la contraception et de l’avortement. Il se trouve qu’il est considéré comme un des scientifiques qui ont participé à la rédaction de certains passages de l’encyclique ! Mieux, ou pire encore, il est prévu qu’il participe en novembre 2015 à un colloque organisé par l’Académie pontificale des Sciences. Ce colloque s’est donné pour but de réfléchir sur l’utilisation des enfants comme « véhicules » pour la propagation du programme écologiste mondial ! Ce dernier point est à rapprocher de l’encyclique au chapitre sixième, Éducation et spiritualité écologique, II «  Education pour l’alliance entre l’humanité et l’environnement » (209-215) et autorise à se poser la question de la mise en place d’un nouveau catéchisme, le catéchisme pour la conversion à l’écologie ?

    -            Pour quoi le Vatican a-t-il refusé d’entendre le 28 avril 2015 à l’occasion du colloque précité d’éminents scientifiques comme Tom Harris et la délégation du Hearthland Institute qu’il menait ou le docteur Richard Keen qui développent des thèses inverses à celles du GIEC ? Tom Harris, ingénieur en génie mécanique est directeur de l’International Climate Change Coalition et associé à l’Hearthland Institute de Chicago. Le docteur Richard Keen est professeur émérite de l’université de Colorado-Boulder, réviseur expert du dernier rapport du GIEC de l’ONU et il note entre autres au sujet de l’encyclique : « Les sections 23 et 24 de l’encyclique font référence à de nombreuses conséquences désastreuses hypothétiques du changement climatique, ou du « réchauffement ». Mais aucune de ces conséquences catastrophiques projetées ne sont trouvables où que ce soit sur la vraie Terre. » Attitude étonnante que ce refus de la contradiction et même de la discussion de la part du Saint Père qui, dans son encyclique, insiste sur la nécessité de prendre en compte « des opinions diverses » : «  Si nous prenons en compte la complexité de la crise écologique et ses multiples causes, nous devrons reconnaître que les solutions ne peuvent pas venir d’une manière unique d’interpréter et de transformer la réalité… aucune branche des sciences et aucune forme de sagesse ne peut être laissée de côté… Cette encyclique s’ouvre au dialogue avec tous. »

    -            Le 22 juillet 2015, lors du “Sommet des consciences” organisé par Nicolas Hulot et déjà cité plus haut, François Hollande déclare que : « La crise climatique et plus largement la crise écologique ne se réduisait pas à ses dimensions scientifiques, économique et politique » mais qu’il s’agissait « d’une crise de sens ». Pour Nicolas Hulot, « il s’agit de susciter en chaque individu un moment de réflexion sur sa relation à la planète et ce qui le conduit à s’engager en sa faveur ».

    La prudence nécessaire

    Le fidèle de l’église catholique doit au moins faire preuve de prudence et voir comment les bonnes choses que contient l’encyclique peuvent se concilier avec tout ce qui précède. Nous vivons une époque où le relativisme, le matérialisme et l’hédonisme règnent ensemble et en maître, mais où, paradoxalement, la soif de spirituel est très grande. Ce n’est pas parce qu’un document est signé par le Saint Père, qu’il contient de bonnes affirmations ou rappels, qu’il parle de Dieu, d’Amour et de conversion, que son but est en apparence louable, qu’il faut lui donner, ipso facto, un label d’infaillibilité, qu’encore une fois il n’a pas, et négliger de le regarder de très près, de le discuter sur le fond aussi bien que sur la forme. Nous vivons une ère où l’erreur se répand comme une trainée de poudre qui peut provenir de n’importe où et il n’est pas interdit de s’inquiéter que cette erreur ne vienne pas des plus hauts sommets de l’Église.

    Cette encyclique suscite de nombreuses interrogations sur de nombreux points qui ne sont pas l’objet de ce billet. Plus globalement, cette encyclique relève-t-elle d’une forme d’aveuglement ? ou d’une manœuvre jésuite (le Saint Père ne peut renier sa formation jésuite) ? ou encore d’une manœuvre empreinte de fourberie (le Saint Père confesse posséder ce défaut (ou cette qualité ?) dans un des premiers entretiens accordé après son élection au Siège de Pierre), manœuvres qui seraient toutes deux destinées à contourner les ennemies de l’église et à les amener à la Foi ?

    À quel saint faut-il se vouer en la matière ? L’évêque de Rome qui semble converti à l’heuristique de la peur et deviendrait apôtre de la décroissance ou, pour ne citer que lui, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan), qui dans son sermon délivré lors de la messe pontificale du dimanche de la Pentecôte 2015 à l’hippodrome de Rambouillet déclare devant plusieurs milliers de pèlerins du pèlerinage de Pentecôte de Notre-Dame de Chrétienté : « Pour rester fidèle aux commandements de Dieu il y a de nos jours des familles, des jeunes gens, des prêtres et des évêques qui sont souvent marginalisés, ridiculisés et persécutés par le pouvoir dictatorial de la nouvelle idéologie néo-marxiste mondiale du genre et du culte de la terre et du climat. Cependant il y a aussi des familles, des jeunes gens, des prêtres, des séminaristes et même des évêques qui sont marginalisés et ridiculisés parfois dans la sphère ecclésiale à cause de leur fidélité à l’intégrité de la foi catholique et du culte divin selon la tradition des apôtres et de nos ancêtres » ?

    Les fidèles qui ne font pas leurs les thèses du GIEC devraient pouvoir répondre assez facilement à cette question, les autres devraient entamer une réflexion approfondie et sérieuse sur le sujet. La grand-messe de novembre 2015, organisée à Paris sous l’égide du président François Hollande sera l’occasion pour chacun de se forger une conviction.

     

    Bruno de Seguins-Pazzis est président du conseil d’administration d’EthiFinance, agence d’analyse et de conseil extra-financiers qui accompagne les investisseurs et les entreprises dans la gestion des risques et opportunités liés au développement durable.

     

    *Tribune : texte sous la responsabilité de son auteur et n’engageant pas la rédaction de Liberté politique.

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