• "Gouverner, c'est aussi sanctionner", par Jacques Bichot

    Article de Jacques Bichot publié le 22 janvier 2018 sur L'Incorrect et le 23 janvier sur Économie-Matin. Télécharger la version pdf.

    L’affaire de Notre-Dame des Landes restera dans les annales comme un exemples navrant de mauvaise gouvernance.

    Des centaines de millions d’euros ont été gaspillés, des affrontements ridicules ont eu lieu, des tribunaux ont été stupidement engorgés (plus de 100 procès perdus par les opposants, qui au final ont gagné politiquement), et l’impunité des hors-la-loi s’est étalée au grand jour, contribution supplémentaire à la déshérence de l’autorité dont souffre notre pays, et particulièrement ses banlieues.  Je ne suis pas compétent pour dire si ce nouvel aéroport aurait été ou non vraiment utile et rentable, mais que la réponse soit oui ou non il est un fait certain : la conduite de projet a été lamentable. Alors, quels sont les responsables de ce fiasco, et comment les a-t-on sanctionnés ?

     

    Une longue liste de fautes politique et administrative jamais sanctionnées

     

    Il n’a pas été donné de réponse à la première question, et il est probable que les pouvoirs publics n’en chercheront pas, ce qui signifie qu’il n’y aura pas de sanction. Si les choses se passent effectivement ainsi, ce sera un pas de plus dans une mauvaise direction – une direction dans laquelle la France est hélas très engagée, et cela depuis fort longtemps. Hommes politiques et hauts fonctionnaires peuvent jeter l’argent par les fenêtres, c’est-à-dire gaspiller le travail des Français, en faisant mal le leur, ils n’en supportent que rarement les conséquences. Une soi-disant faute, montée médiatiquement en épingle, comme employer son conjoint en tant qu’assistant parlementaire, ce qui n’a causé de tort à personne, a valu à François Fillon de perdre tout son capital politique, mais de véritables et graves erreurs professionnelles, lourdes de conséquences, sont purement et simplement passées par pertes et profits, sans donner lieu à la moindre sanction : comment croire, dans de telles conditions, que notre pays sera un jour convenablement dirigé et administré ?

    Rappelons quelques-unes des bévues administratives et politiques dont les responsables n’ont jamais été inquiétés :

    • L’affaire des portiques destinés à faire contribuer les entreprises de transport routier au financement de l’usure des routes nationales par leurs poids-lourds. Le gaspillage s’élève là aussi à plusieurs centaines de millions d’euros, et aucune sanction, semble-t-il, n’a été prononcée.
    • Le fiasco du logiciel Louvois, qui a pourri la vie à beaucoup de familles de militaires, victimes d’erreurs relatives aux traitements et autres éléments de rémunération de nos soldats. Certains n’ont rien touché pendant des mois, d’autres ont trop perçu et, s’ils avaient cru pouvoir dépenser une solde plus généreuse que d’ordinaire, ont dû ensuite rembourser dans la douleur. Là encore, à notre connaissance, ce fut l’impunité pour les responsables de cette monstruosité informatique.
    • L’incurie informatique dont ont été victimes les artisans et commerçants lors de la fusion de leurs régimes de retraite dans le RSI a elle aussi été laissée impunie. La Cour des Comptes avait pourtant mis à jour les responsabilités, ou du moins la principale d’entre elles, une querelle de chefs.
    • Des magistrats, greffiers, avocats et justiciables sont actuellement victimes des box vitrés, ces cages destinées aux prévenus qui ont commencé à être installées dans les salles d’audience de certains tribunaux et que l’on a tout simplement oublié de sonoriser, si bien que la communication entre les prévenus dans leur enceinte de verre renforcé, leurs avocats et les magistrats, est devenue très problématique. Le garde des sceaux est certes un peu sur la sellette, mais cette bévue va-t-elle avoir des conséquences pour ceux qui en sont responsables ? Plus généralement, va-t-on enfin s’occuper de ceux qui, au gouvernement, au ministère mais aussi dans les juridictions et dans les lieux de détention, portent en partie la responsabilité des lenteurs et des dysfonctionnements de la justice, de l’insuffisance des places de prison, et d’une bonne partie de la pénibilité du travail des surveillants ?

    Bien d’autres erreurs et fautes non sanctionnées pourraient être mises à jour par une étude exhaustive du fonctionnement des administrations, de la haute fonction publique et des instances tant législatives qu’exécutives. Certes, il existe des décisions qui ne peuvent avoir d’autre sanction que le vote des électeurs, mais dans la fonction publique sanctionner par des rétrogradations ou des mises à pied, voire des licenciements pour faute lourde, devrait devenir concevable et, quand ce ne l’est pas, légalement possible.

     

    Récompenser ceux qui performent et faire progresser ou sanctionner ceux qui font des erreurs 

     

    La Chambre régionale des comptes a par exemple découvert qu’à l’hôpital de Quimperlé un médecin chef de service, jugé incompétent et dangereux pour les patients, a depuis 30 ans simplement été dispensé d’exercer ses fonctions, continuant à percevoir ses émoluments, soit 130 000 € de coût annuel pour l’hôpital (Capital du 22 décembre 2017). Quid des directeurs de cet établissement qui ont ainsi gaspillé l’argent des assurés sociaux ?

    Pour les élus et les dirigeants politiques potentiels — particulièrement les hommes politiques qui exercent certaines responsabilités au sein de partis — des préparations sont souhaitables et réalisables. Il faut en effet que les personnes qui arriveront dans des postes de responsabilité dans des mairies, des départements, des régions, au parlement ou au gouvernement, soient intellectuellement et psychologiquement préparés non seulement à impulser des projets, mais aussi à sévir lorsque cela est nécessaire. Il est agréable de lancer l’étude puis la réalisation d’un nouvel aménagement, d’un nouveau service ; il l’est moins, mais il est tout aussi utile, d’élaguer le bois mort, qu’il s’agisse de projets, de réalisations ou de collaborateurs.

    Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale ne suffisent pas, loin s’en faut, pour redresser les finances publiques ; il faut à tous les niveaux avoir le souci du travail bien fait et de la productivité, c’est-à-dire de la gestion au quotidien et du management des hommes. Ceux-ci n’étant pas des anges, il est utile de récompenser ceux qui performent, de chercher à faire progresser ceux qui font des erreurs ou pas grand-chose, et de les sanctionner si la manière douce ne suffit pas.   

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