• Jean-Yves Naudet - Benoît XVI ou l'économie éthique

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    Jean-Yves Naudet - Benoît XVI ou l'économie éthique

    Voilà des mois qu’on attendait une encyclique sociale de Benoît XVI (Caritas in veritate), la première du magistère romain depuis Jean-Paul II (Centesimus annus 1991). Les spéculations allaient bon train et certains experts annonçaient que le Pape allait affirmer que Marx avait vu juste et publier un manifeste contre le capitalisme. Il n’en n’a rien été et le texte rendu public mardi 7 juillet, s’il est très sévère pour certains comportements humains, surtout dans la crise actuelle, n’en reste pas moins dans le ligne de Jean-Paul II et de ses prédécesseurs dans sa défense des institutions de l’économie de marché. Benoît XVI rappelle qu’il n’y a pas deux doctrines sociales « l’une préconciliaire et l’autre postconciliaire ».

    Jean-Yves Naudet - Benoît XVI ou l'économie éthique

    L’encyclique est adressée aux Chrétiens, mais aussi « à tous les hommes de bonne volonté » : c’est dire que le pape joue à la fois sur le registre de la foi, propre aux croyants, et sur celui de la raison, accessible à tous.
    Dans ce texte d’une grande profondeur, on retiendra ce qui est directement lié à la crise actuelle, puisqu’il a été publié à la veille du G8 , qui se tient le 8 : des institutions assez classiques, mais toutes passées au crible de l’éthique : une sorte de « moralisation du capitalisme », surtout au ch. III, « Fraternité, développement économique et société civile ».
    Remarque préalable (§17) : « Le développement humain intégral suppose la liberté responsable de la personne et des peuples : aucune structure ne peut garantir ce développement en dehors et au dessus de la responsabilité humaine ». C’est l’homme et sa liberté qui sont premiers.
    La mondialisation est évoquée avec ses forces et ses limites, mais ce processus « a été le principal moteur pour que des régions entières sortent du sous-développement et il représente en soi une grande opportunité » (§33). Tout en mettant en garde contre certains risques de la mondialisation, le pape met en cause « les tarifs douaniers élevés » imposés par certains pays pour empêcher les produits des pays pauvres d’entrer sur leurs marchés.
    Le marché est mis en avant « lorsqu’il est fondé sur une confiance réciproque et générale » : il est « l’institution économique qui permet aux personnes de se rencontrer, en tant qu’agents économiques utilisant le contrat pour régler leurs relations et échangeant des biens et des services fongibles entre eux pour satisfaire leurs besoins et leurs désirs » (§35). Mais évidemment, pas de marché sans justice ni sans éthique. Et « sans formes internes de solidarité et de confiance réciproque, le marché ne peut pleinement remplir se fonction économique. Aujourd’hui, c’est cette confiance qui fait défaut et la perte de confiance est une perte grave ». Mais le marché a besoin de morale : « il n’est pas en mesure de produire de lui-même ce qui est au-delà de ses possibilités. Il doit puiser des énergies morales auprès d’autres sujets, qui sont capables de la faire naître » (§35). Mais les conséquences mauvaises qui peuvent exister dans le marché ne viennent pas de lui, en soi : « c’est la raison obscurcie de l’homme qui produit ces conséquences, non l’instrument lui-même. C’est pour quoi, ce n’est pas l’instrument qui doit être mis en cause, mais l’homme, sa conscience morale et sa responsabilité personnelle et sociale » (§36).
    On appréciera aussi l’affirmation suivant laquelle Benoît XVI, après Jean-Paul II, souligne « la nécessité d’un système impliquant trois sujets : le marché, l’État, la société civile » (§38) :on retrouve ici la distinction des ordres marchand, politique et communautaire, même si les trois sont liés comme le montre son insistance sur la question du don et de la gratuité, celle-ci étant plutôt propre à la société civile (les fameux « corps intermédiaires »), mais pas exclue des deux autres domaines.
    Très novatrice aussi est sa vision de l’entrepreneuriat, qui doit avoir une « signification plurivalente » : l’entrepreneur n’est pas seulement le « capitaliste », mais chacun de nous, chaque travailleur doit pouvoir apporter sa contribution propre comme s’il travaillait à son compte car « tout travailleur est un créateur » (§41).
    C’est donc une économie éthique que propose Benoît XVI pour faire face à la crise et humaniser le capitalisme, (même s’il n’est pas dupe (§43) du fait que certains utilisent le mot éthique comme une mode, parois fort éloignée de la morale). La leçon de Benoît XVI au G8 – et aux autres ; le capitalisme sera éthique ou ne sera pas.

    Jean-Yves Naudet : Caritas in veritate - Le défi lancé aux économistes »
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