• Pourquoi j'adhère à l'AEC (Association des Économistes Catholiques)

    Résumé : l'AEC présente pour moi le grand intérêt de se référer à et de s'appuyer sur la DSÉ (Doctrine Sociale de l'Église), que je trouve d'une grande richesse. Étudier celle-ci, bien la connaître et tâcher de s'y conformer (comme nous y invite et nous y aide l'AEC) permet, à mon avis d'analyser efficacement les problèmes qui se présentent dans la vie économique et sociale, quels que soient leur importance et leur niveau  : international, national, local ou même interpersonnel.

    Je démarre la rédaction de cet article ce 3 novembre 2016, pendant que, dans la pièce voisine, le téléviseur diffuse le 2e débat dans le cadre de la primaire à droite. Je vais par intermittence y jeter un coup d’œil, notamment à la fin, pour les conclusions de chaque candidat, afin de vérifier que le constat que je fais depuis des années reste d'actualité : aucun des candidats ne s'appuie ouvertement sur la moindre doctrine, qui pourrait justifier et expliquer ses propositions, ses points de vue, son projet. Cette absence de doctrine explique aussi, je crois, la multitude de candidatures au sein d'un même camp.

    D'après le dictionnaire Larousse, une doctrine est un "ensemble de croyances et de principes (...) constituant un système d'enseignement religieux, philosophique, politique, etc., et s'accompagnant souvent de la formulation de règles de pensée ou de conduite", alors qu'un principe est une "règle générale théorique qui guide la conduite".

    Dans le domaine économique et social, il existe au moins deux doctrines dont chaque adulte à entendu parler, même si la majorité des citoyens n'en connaît ni le contenu, ni la définition : il s'agit du socialisme et du libéralisme. Toujours d'après le Larousse, le socialisme "condamne la propriété privée des moyens de production et d'échange" (autrement dit, il prône l'application du principe de la propriété collective - via l'État - des moyens de production et d'échange). Le libéralisme prône (l'application du principe de) la non-intervention de l'État dans la vie économique et sociale, pour ne pas entraver le libre jeu de la concurrence.

    Il existe une autre doctrine couvrant le champ économique et social, dont l'existence est beaucoup moins connue que les deux précitées : il s'agit de la DSE ou DSÉ (Doctrine Sociale de l'Église). J'estime, comme bien d'autres, qu'il s'agit d'un véritable trésor. Comme toute doctrine est censée le faire, elle facilite grandement l'analyse des problèmes et la prise de décision pour ceux qui s'en inspirent.

    L'AEC se réfère explicitement et prioritairement à la DSE (également appelée " enseignement social chrétien ", notamment dans ses statuts (article 3 : « Peuvent adhérer à l'association les catholiques, exerçant la profession d'économiste (enseignants, chercheurs, professionnels, etc…), qui le souhaitent. Ces économistes se réfèrent et s'appuient sur les principes de l'enseignement de l’Église, par l'intermédiaire de son Magistère, en particulier dans le domaine de sa doctrine sociale. ») et son manifeste (" Les adhérents de l’AEC (...) entendent rester fidèles aux enseignements du Magistère de l’Église Catholique et du Pape en particulier, notamment dans le domaine de la Doctrine sociale de l’Église. ") C'est la raison essentielle pour laquelle j'adhère à l'AEC. Voici quelques précisions sur l'intérêt que je porte à la DSÉ et, par conséquent, à l'AEC.

    Le principe fondamental de la DSÉ est le principe personnaliste. Il affirme la dignité (ce mot désigne le respect qui dû à une personne ou à soi-même) incomparable, intangible (inviolable, sacrée) et inaliénable (se dit d'un droit naturel auquel on ne peut renoncer) de toute personne humaine. Le Compendium (résumé, publié en 2005) de la DSÉ précise : " L'homme ne peut tendre au bien que dans la liberté que Dieu lui a donnée comme signe sublime de son image : « (...) La dignité de l'homme exige donc de lui qu'il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d'une contrainte extérieure »" (Comp., § 135, qui reprend la constitution pastorale " Gaudium et spes ", § 17). Il ajoute : " Le mouvement vers l'identification et la proclamation des droits de l'homme est un des efforts les plus importants pour répondre efficacement aux exigences irréductibles de la dignité humaine " (Comp., 152).  

    Couverture du "Compendium de la Doctrine Sociale de l'Eglise"

    Compte tenu de ce qui précède, la DSÉ est clairement incompatible avec le collectivisme (système fondé sur la propriété collective des moyens de production et d'échange) et donc avec le socialisme. C'est ce qu'énonce le manifeste de l'AEC :
    " Ils (les adhérents de l'AEC) rappellent, avec Jean-Paul II, que “ l’erreur fondamentale du « socialisme » est de caractère anthropologique ” (Centesimus annus § 13) et que " l’échec du « socialisme réel » vient de la violation des droits humains à l’initiative, à la propriété et à la liberté dans le domaine économique (CA § 24). " En revanche, la DSÉ est assurément compatible avec le libéralisme, à mon avis, comme permet de le penser le Compendium (§ 103, à propos de l'encyclique " Centesimus annus " : " L'analyse articulée et approfondie des « res novae » et, en particulier, du grand tournant de 1989 avec l'effondrement du système soviétique, contient une appréciation de la démocratie et de l'économie libérale, dans le cadre d'une solidarité indispensable. ")

    Je crois la DSÉ pleinement compatible avec la doctrine libérale, mais combien plus riche que celle-ci ! Pour plusieurs raisons, dont celles qui suivent.

    1. La DSÉ promeut le respect de la liberté "extérieure" (cf. la "contrainte extérieure" mentionnée plus haut, dans le paragraphe consacré au principe personnaliste), mais aussi (ce que ne fait pas le libéralisme) le respect de la liberté "intérieure" (cf. plus haut : "...non sous le seul effet de poussées instinctives..."). Ces poussées instinctives, ce sont celles qui nous conduisent, entre autres, à idolâtrer l'argent, le pouvoir, le sexe, la drogue, la soif de vengeance, à souhaiter ou faire du mal à nos adversaires, à mépriser et condamner ceux qui ne pensent pas comme nous, à haïr ou jalouser autrui, à être emplis d'orgueil, etc.. Le péché ne consiste-t-il pas, au fond, à céder à ces poussées instinctives, au lieu de faire confiance à Dieu, Créateur, Sauveur (c'est à dire Libérateur, Rédempteur) pour assurer notre bonheur ?
    2. Pour la doctrine libérale, les hommes tiennent leurs droits (dits "naturels") de la nature, alors que pour la DSÉ, ils les tiennent du Créateur de la nature, Dieu.
    3. La DSÉ défend la dignité de toute personne humaine, de la conception à la mort naturelle, bornes que ne précise pas la doctrine libérale. Ceci explique pourquoi certains libéraux pensent combattre en faveur de la liberté lorsqu'ils soutiennent le droit à l'avortement ou à l'euthanasie.
    4. Nulle institution ne joue dans la vie de chaque personne humaine un rôle aussi important, primordial, que la famille, et ce, dès la conception. Ce que la DSÉ (mais pas la doctrine libérale) nous dit sur la famille et les droits naturels qui lui sont attachés est d'une richesse remarquable.

    Si le respect de la liberté extérieure est une condition nécessaire au bon fonctionnement de la vie en société, le respect de la liberté intérieure, négligé par la doctrine libérale, est tout aussi nécessaire. De plus, il est prioritaire. Voici pourquoi.

    Je vous propose d'observer, d'abord, que, si le respect de notre liberté "extérieure" dépend d'autrui, sur lequel nous n'avons pas de pouvoir, le respect de notre liberté intérieure ne dépend que de nous-même. Il ne semble donc pas très cohérent de chercher à obtenir le premier sans avoir commencé par s'occuper du second !
    Je vous invite, ensuite, à réfléchir aux questions suivantes, qui pourraient se résumer en une seule (" Lorsque nous ne respectons pas la liberté extérieure d'autrui et voulons exercer un pouvoir sur lui, n'est-ce pas parce que nous-mêmes avons une chaîne intérieure dont nous n'arrivons pas à nous défaire ? ") :

    • Si nos dirigeants politiques nous mentent, nous font de fausses promesses, ou utilisent toute autre forme de manipulation pour obtenir nos suffrages, puis, une fois élus, cherchent à nous asservir avec force impôts, taxes, lois et règlements, n'est-ce pas parce qu'eux-mêmes sont asservis à leur soif de pouvoir, de l'argent et du prestige qu'il confère ?
    • Lorsque un drogué commet un vol, n'est-ce pas, le plus souvent, pour avoir de quoi satisfaire son addiction ?
    • Si je viole une femme, n'est-ce pas parce que je suis incapable de réfréner mes pulsions sexuelles ?

    Analysant volontiers la plupart des sujets d'actualité (dont ceux débattus lors de ladite primaire) à la lumière de la DSE, je suis étonné de voir combien cette lumière est éclairante, combien il devient facile de trouver une solution nouvelle aux problèmes de ce temps.
    En ce dimanche 20 novembre 2016 où je termine la rédaction de cet article et où nous autres, catholiques, célébrons la fête du "Christ, Roi de l'univers", avait lieu le premier tour de la primaire de la droite, en vue de l'élection présidentielle de 2017. Je suis frappé de voir que nous n'imaginons pas pouvoir nous dispenser d'un chef d'État, alors que nous avons tant de mal à faire confiance au Christ pour gouverner notre vie. Pourtant, l'État n'est-il pas incompatible, par nature, avec le principe personnaliste et la DSÉ, dans la mesure où il s'attaque au droit de propriété (par l'impôt et les autres prélèvements obligatoires), au droit d'expression (par le mandat "donné" par les citoyens, plus souvent mal gré que bon gré, à leurs représentants parlementaires et syndicaux, de parler en leur nom), à la liberté (par la loi) ? L'État n'a-t-il pas, comme nous l'a enseigné Frédéric Bastiat (dans "L'État"), une main rude qui nous prend nécessairement davantage que ce que sa main douce nous restitue, alors que nul impôt n'a jamais été prélevé par Dieu, qui nous comble pourtant de ses largesses (la vie, un corps, des talents, une famille, des amis, les produits de la nature, ...) ? Visiblement, les leçons de la Bible (ex: 1er livre de Samuel, chapitre 8) n'ont pas été entendues !

    J'invite tous les économistes (au sens large : enseignants, chercheurs, mais aussi "professionnels", c'est à dire personnes dont l'activité professionnelle les met en situation de réfléchir aux questions abordées par les sciences économiques et sociales) catholiques à rejoindre l'AEC.

    « L'héritage culturel de l'inflation par décret, par G. HülsmannLa gouvernance d'entreprise selon saint Bernard de Clairvaux »
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